mardi 18 décembre 2007

"Rénovation": c'est ç'ui qui dit qui y est

Cà fait un moment que je me dis qu'il faut que je ponde un "post" un peu sérieux, genre "ma- contribution-aux-débats-internes-du-PS". Bon c'est sûr, question audimat c'est pas le succès garanti mais ce blog ne recueille strictement aucune recette publicitaire, donc l'audimat on s'en fout, hein. Quoique.
Cependant il y en aurait, des choses à dire sur le PS, ces jours-ci: guéguerres même pas dignes d'être qualifiées de picrocholines, Jeanne d'Arc et son plan-média, DSK en charge de "l'ajustement structurel" et des "réformes nécessaires", Fabius en apesanteur, Delanoë en embuscade derrière le BHV, Jack Lang en Sarko-ministrable et l'inusable, l'inoxydable François Hollande officiellement en charge des bons mots aux heures de grande écoute, rôle dont il s'acquitte avec un talent sans égal. (Parenthèse: Fabius a disparu de mon "champ des possibles" depuis ses cabrioles lors du référendum de 2005, n'empêche que je trouve qu'il avait plutôt bien cerné le Premier Secrétaire lorsqu'il l'avait baptisé "Monsieur Petites Blagues"). Crise de leadership et absence totale d'une "vision" explicite, y a du boulot, décidément, rue de Solférino. Les travaux sont en cours, à ce qu'il paraît. Mais ne comptez pas sur les grands médias pour vous en parler, ils ont déjà décidé pour vous qu'à part les bisbilles entre dirigeants, rien n'était vraiment intéressant au PS.
Si j'avais eu le coeur d'attaquer une chronique "de fond" sur la rénovation du PS, donc, j'aurais commencé avec un truc du genre: virons Mélenchon à grands coups de pompes dans le train, qu'il aille donc voir chez Besancenot si sa "vraie Gauche" y est, même le PCF lui tendrait les bras... Un sénateur de moins, qu'est-ce qu'on en a à foutre, je vous le demande? Un jour, c'est promis, notamment si des lecteurs me le demandent gentiment, je tâcherai de faire mon intéressant sur la façon dont le PS pourrait redevenir une option crédible. Mais ce soir, non, pas possible.
Car depuis quelques jours me trotte dans la tête une idée a priori saugrenue mais dont il me semble judicieux de vous faire part: le PS pédale dans la semoule, certes, mais que dire de l'UMP? En d'autres termes: laquelle de ces deux formations est aujourd'hui la plus dans la merde?
Si l'on accepte le postulat que dans le champ politique français le "leadership" est la clé, compte tenu de la présidentialisation de la Vème République, peut-on vraiment dire que l'UMP est mieux lotie que le PS? Je vous l'accorde, l'UMP est dotée d'un chef on ne peut plus clair. Mais justement: à l'UMP, à part qui-vous-savez, vous voyez qui, comme force motrice ? Hein? Allons, cherchez un peu... Allez, un petit effort... Non, vraiment, personne? Et bien moi non plus. Rien. Le désert.
Le "Parti du Président", aujourd'hui, est divisé en six courants: les Sarkozystes pur-sucre (Fillon, Copé, Lellouch, Balladur), les Chiraquiens recyclés (MAM, Raffarin, Gaudin), les Chiraquiens indécrottables (Villepin, Debré), les souverainistes (Dupont-Aignan, ...?), les traîtres de Droite (Hervé Morin et son Nouveau Centre, ni nouveau, ni du centre) et les traîtres de Gauche (Bockel, Kouchner, Besson, Allègre, et bientôt Lang, inch'Allah). Ce "Parti" déborde d'ores et déjà les frontières de l'UMP. Certes, en son sein s'agitent les vipères Chiraquiennes et la contestation "Gaulliste-canal-historique", mais d'une façon générale ce petit monde ne produit en soi rigoureusement rien en termes d'idées, sinon de façon marginale. En tout cas pas davantage que le PS, loin s'en faut. Dès lors quand ce "Parti" somme la Gauche de se "rénover", me vient à l'esprit la fameuse histoire de la paille, de la poutre, et de l'oeil du voisin.
Car où donc en est la Droite française, aujourd'hui, sur le plan économique et social? Cherchez pas: quelque part au début des années 80, à la grande époque du Reagano-Thatchérisme: Etat, Syndicats, Services Publics, Droit du Travail = Pas Beau / Marché, Entreprises, Profit, Contrat = Beau.
A ceci près que, nonobstant une mondialisation de l'économie largement encadrée - même si ce n'est pas une fatalité - par les axiomes ci-dessus, la Droite française garde intacte depuis vingt-cinq ans une farouche tradition Colbertiste mêlée, en toute logique, d'une connivence de bon aloi avec une fraction du patronat français s'accrochant bec et ongles à la "préférence nationale" en matière de dépenses publiques (Dassault, Lagardère, Vivendi, Bouygues, Suez, Decaux...).
Or si l'on admet que le Sarkozysme constitue aujourd'hui la quintessence - et la best practice - de la Droite en France, qu'est-ce donc sinon un compromis vaguement renouvelé entre dérégulation du Travail, de l'Economie, et préservation des intérêts de quelques oligopoles? Bonjour la "rupture". D'autant que la Droite, ce pourrait être autre chose: qu'on songe à De Gaulle et à ses idées de participation des salariés aux bénéfices de l'entreprise, dûment torpillées à l'époque (1967) par l'ancêtre du MEDEF et ses obligés à l'Assemblée et au Sénat; qu'on songe, plus près de nous, à Bayrou fustigeant (même s'il n'a rien à perdre) les "Puissances de l'Argent". Quoiqu'on en dise à Gauche, la Droite, ce n'est pas forcément "les gros" et le fric. Il fut un temps où la Droite française, et pas seulement à travers ses postures sécuritaires, conservatrices et "identitaires", ce fut aussi "le peuple". Ce temps idéologique est révolu depuis le Reagano-Thatchérisme, Sarkozy n'est que la première incarnation réussie de cette (r)évolution, après le long et calamiteux épisode Chirac. La "modernité" Sarkozyenne ne se situe, in fine, que dans la maîtrise, dans tous les sens du terme, des médias et de leur tempo.
Crise de "leadership" et "d'idées" à Gauche, dit-on. Certes. N'empêche que si j'étais à l'UMP ou assimilé (Bockelien, Kouchneriste ou néo-centriste), je me ferais vachement de souci.

Un "leadership" qui marche, en démocratie en tout cas, c'est autre chose que le petit doigt sur la couture du pantalon et le "Silence des Agneaux" imposé par le loup. Parce que viendra un temps où le "génial leader", à force de s'occuper de tout à la place de tout le monde, finira par se prendre les pieds dans le tapis des mécontentements, malgré ses subtiles diversions. L'accueil cinq étoiles réservé à cette ordure de Kadhafi (combien de dirigeants démocratiques étrangers reçus aussi longtemps et avec autant d'égards?) commence à faire sérieusement grincer des dents? Zou, on nous sort la romance à Disneyland Paris: l'étoile de Sarko pâlit? Hop, Carla Bruni. (Oui je sais c'est un peu facile, mais j'ai pas pu m'en empêcher). C'est tellement gros que même Pujadas, sur France 2, s'en est aperçu. Sarkozy prend la majorité des citoyens pour des cons, ce n'est pas forcément un mauvais calcul a priori, à condition de ne pas le faire trop ouvertement et surtout d'assurer un minimum de service après-vente.

Des "idées", Sarkozy en a sur à peu près sur tout et n'importe quoi, et dans tous les sens, ses partisans - et les journalistes "amis" - sont priés de suivre et d'admirer très vite. On n'est pas loin d' un "Petit Livre Bleu" du Libéralisme-Colbertisme-Pensée-du-Président-Sarko, que les foules en délire brandiraient lors des meetings de l'UMP. Qui par ailleurs entend-on pour théoriser, mettre en perspective et en musique l'action présidentielle? Le groupe UMP à l'Assemblée? Le triumvirat à la tête du Parti? Le Premier Ministre? Des "think tanks" de Droite? Que nenni: un technocrate élu par personne, le "nègre" du Président, qui est à Sarkozy ce que Karl Rove fût à George W. Bush - son cerveau: Henri Guaino.

Le Sarkozysme, c'est un "leadership" qui écrase tout sur son passage, à coups de "Point de Vue - Images du Monde" s'il le faut, et des "idées" qui sont un salmigondis des desiderata du MEDEF et des trouvailles d'un gourou, un nobody tellement bavard qu'il réussit à parler en lieu et place de Kouchner, c'est dire. Pas sûr qu'on ait ici les éléments d'un développement durable, avec ou sans Borloo. En tout cas l'urgence d'une "rénovation" n'est pas nécessairement et exclusivement là où on le croit.

Alors le PS est peut-être en crise, mais l'UMP et ses filiales m'ont tout l'air d'être sous perfusion. Gare aux dosages, les mecs, et tâchez d'éviter les pannes de courant.

Là-desssus, je vous souhaite à toutes et à tous d'excellentes fêtes de fin d'année.

God Jul!

jeudi 29 novembre 2007

Sarkoz' dans le poste

J'ai honte. Un peu comme un gamin qui pour la première fois aurait essayé le cannabis, se trouverait très con d'avoir laissé se désactiver ses neurones et regretterait amèrement de s'être laissé étourdir. Mais tout comme ce gamin, je me dis qu'il faut faire des expériences, dans la vie. Alors la satisfaction d'avoir, quelque part, franchi une étape, efface le sentiment de honte. Ce soir, j'ai regardé Nicolas Sarkozy à la télé.

La dernière fois que cela m'était arrivé, c'était lors du débat entre les deux tours de la présidentielle. Bien obligé. Depuis, d'après ce que j'ai pu comprendre, les occasions ne m'auraient pas manqué, mais que voulez-vous, aussi surprenant que cela puisse paraître, je me suis trouvé des tonnes d'autres trucs à regarder ou à faire. Si, si.
Sarkozy à la télé, donc, en lieu et place des journaux télévisés de TF1 et France 2, ou presque. Bon, çà tombe bien, il ne se passe à peu près rien dans le monde, ces jours-ci. En France non plus, d'ailleurs. Et de toute façon, la France a la chance d'avoir un Président qui, à lui tout seul, constitue quasiment l'essence de l'actualité française, sinon internationale. Tout fait, ou presque, relaté par les médias ne peut appartenir qu'à trois catégories: ce que Sarkozy fait, ce que Sarkozy dit qu'il va faire, ou ce qui n'a rien à voir avec Sarkozy mais auquel il se retrouve mêlé (la crise du Darfour, les gesticulations de Chavez, les Droits de l'Homme en Russie et en Chine, la fin de mandat de George W. Bush...).
Du coup, lorsqu'on remplace le journal télévisé (de TF1 ou France 2) par une longue interview de Sarkozy, on ne perd pas vraiment au change. Et par-dessus le marché, on vit une expérience fascinante, unique.

En toute immodestie, je me considère pourvu d'une capacité d'analyse correcte et d'un esprit relativement vif. Et bien là, j'ai eu beau me concentrer, pas moyen d'exercer, ne serait-ce que durant une seconde, le moindre commencement de début d'analyse de ce que le Président avait à me dire, à moi et à mes concitoyens. Rien à faire, le blocage total. La raison: la quantité d'information à digérer.
Prenons un exemple: en quelques secondes, le Président explique qu'il envisage de privatiser 3% du capital d'EDF pour financer des moyens à allouer à l'université, qu'il veut que les universités françaises soient les meilleures du monde et que le blocage desdites universités par des minorités est inacceptable.
Avec le recul, c'est facile, on se dit: "Bon, ben s'il suffisait de fourguer une partie des bijoux de famille pour soulager la misère matérielle des facs, que ne l'a-t-il fait plus tôt, histoire d'accompagner leur nouvelle "autonomie"? Et quand bien même, connaissant l'opacité légendaire de Bercy sur l'allocation des ressources, qu'est-ce qui garantit que ces nouvelles recettes seront intégralement allouées au budget de l'Enseignement Supérieur? Par ailleurs, en admettant que rien ne se perde en route, 3% du capital d'EDF, ça fait entre 3 et 4 milliards d'Euros, à la louche. En regard des besoins des universités, c'est beaucoup, ou c'est de la rigolade? Est-ce que ça vient en plus de ce qui était déjà annoncé en termes d'effort particulier sur la recherche, ou c'est juste une précision sur le financement du dit effort? Par ailleurs, qu'est-ce qu'on en a à foutre d'être les meilleurs du monde? Ça veut dire quoi, d'abord? Nonobstant, c'est vrai qu'il est inacceptable que quelques zigotos empêchent les autres d'étudier mais bon, quel rapport avec la choucroute?". Là, c'est juste un exemple, une dizaine de secondes sur une heure environ. Tout çà pour dire qu'avec le recul on réfléchit, on se pose des questions.

Le recul, l'"arrêt sur image", c'est ce qu'on attend d'interventions judicieuses et argumentées des deux individus qui font face au Président et qui, jusqu'à plus ample informé, ont une carte de Presse. Ce sont donc ce qu'il est convenu d'appeler des journalistes.

Oui mais voilà, manque de bol, il s'agit de Patrick Poivre d'Arvor et d'Arlette Chabot et là, pour le coup, c'est maccache bono et bono bézef côté "arrêt sur image". On pourrait gloser sur le fait que l'un est salarié d'une entreprise qui appartient à un très bon copain du Président, tandis que l'autre occupe des responsabilités importantes dans une grande chaîne publique, donc jugée à tout le moins acceptable par le pouvoir en place. Mais au-delà de ces soupçons de complaisance, ce soir, il fallait se rendre à l'évidence: l'un et l'autre étaient tout simplement pétrifiés, tétanisés, voire saoûlés par la déferlante du verbe Sarkozyen. Sur la photo ci-contre, on se demande bien ce qui peut passer par la tête de PPDA. Un truc du genre: "Ouah, il est fort, le bestiau"? Ou bien "Bon, et qu'est-ce que je pourrais dire qui fasse pensé?" ou alors "Merde, où est-ce que j'ai garé ma bagnole, moi, ce soir?". Ou plus vraisemblablement: "C'est quoi la prochaine question que je dois poser, déjà, après?". Quoiqu'il en soit, encéphalogramme quasiment plat. Arlette Chabot, kif-kif. Evidemment, pour la forme, de temps en temps on lance une pique. Enfin, un cure-dents. Exemple: lorsque Sarko monte dans les tours sur les violences en banlieue, Arlette lui suggère que peut-être, la police de proximité que le Président a supprimée en 2002, hein, finalement, si ça se trouve, c'était peut-être pas si mal, enfin bon moi ce que j'en dis. Là-dessus Sarko la foudroie du regard et lui explique qu'un policier de quartier n'aurait rien pu faire contre des voyous armés et que par ailleurs les délinquants il ne s'agit pas de les connaître, mais de les arrêter. Là-dessus Arlette aurait pu rebondir en lui demandant en quoi il trouvait que le dispositif actuel était plus "sécurisant", vu le bordel de ces derniers jours, et avec quels moyens on pouvait espérer que les délinquants arrêtés soient jugés et éventuellement incarcérés de façon efficace, considérant la suppression en cours de tribunaux et un taux (moyen) d'occupation des prisons de 120%. Mais non. Arlette Chabot ne rebondit pas. Elle ne peut pas, elle est coincée au fond de son fauteuil, clouée par un mélange de trouille et de fascination. Dans les cordes, Arlette. Et puis son cerveau est embrumé par la logorrhée Sarkozyenne, trop c'est trop. Pendant ce temps là, hors-champ, PPDA se dit: "Oula, elle s'est mise dans la merde, là, enfin bon c'est pas mes oignons".
Mais au fond, la vérité, c'est que l'un et l'autre ne sont pas là pour interroger le Président, ils sont là pour jouer ce qu'on appelle en langage radiophonique les "virgules". Leurs questions ne présentent à leurs propres yeux aucun intérêt puisqu'ils semblent se contrefoutre des réponses. Leurs questions servent simplement à ponctuer le flot ininterrompu du discours Sarkozyen. Un peu comme un caissier ou une caissière de supermarché qui, appuyant sur un bouton, fait avancer la bande transporteuse sur laquelle s'accumulent les achats des clients. Les Français, en Mai 2007, ont acheté majoritairement du Sarko: Arlette Chabot et PPDA assurent un déroulement optimal du passage à la caisse.
Ce faisant, il jouent néanmoins dans une certaine mesure leur rôle de médiateurs. En effet, physiquement, ils présentent tous les symptômes de l'état probable de millions de téléspectateurs-citoyens - moi le premier - durant ces soixante minutes: l'abrutissement.

Le cannabis, au moins, quand on essaye, c'est pas forcément pour en prendre quasiment tous les jours pendant cinq ans.

A bientôt.

dimanche 25 novembre 2007

Et si l'ennemi était con?

Il est bon de valoriser ceux que l'on considère comme ses ennemis, de leur attribuer une puissance redoutable: le combat qu'on engage n'en prend que plus de valeur. Ainsi George W. Bush parlera-t-il d'"Axe du Mal", Oussama Ben Laden de "croisés".
Il en va de même pour le "Monde Diplomatique".
Ah, le "Monde Diplo". Personnellement j'en fus un lecteur assidu, jusqu'à ces dernières années. Jusqu'à 2005, très exactement, lorsque le mensuel d'Ignacio Ramonet fit une campagne rageuse, sectaire, pour le "non" au référendum sur la Constitution Européenne. Il m'arrive pourtant de le racheter de temps en temps: le "Diplo" présente l'intérêt de jouer, souvent avec talent, une mélodie qu'on n'entend dans aucun autre média. Et puis ses analyses des conflits, des enjeux internationaux, sont fouillées, extrêmement bien documentées et illustrées de cartographies pleines d'enseignements.
J'ai donc acheté récemment le numéro du mois de Novembre, dont le sommaire affiche un article au titre racoleur: "Scanner les cerveaux pour mieux vendre". (http://blog.mondediplo.net/2007-10-29-Quand-la-publicite-fait-appel-aux-neurosciences). Le papier est signé d'une certaine Marie Bénilde, journaliste, auteur d'"On achète bien les cerveaux "(Raisons d'Agir, Paris, 2007).
Quel est le propos de cette dame? Elle constate que certains praticiens du marketing, agences de publicité et médias, s'intéressent de plus en plus aux progrès des neurosciences - notamment l'IRM, qui aurait permis à des chercheurs américains de localiser dans le cortex pré-frontal la zone cérébrale réactive aux images publicitaires - et cherchent à en tirer avantage. Ainsi la filiale allemande de l'agence de pub BBDO à Düsseldorf "travaille sur le concept de brainbranding, qui entreprend de de déterminer comment certaines marques entrent dans la mémoire épisodique du cerveau", tandis que TF1 s'applique à proposer des "contenus" favorisant la réceptivité: Marie Bénilde cite bien évidemment la phrase de Patrick Le Lay, qui avait, on s'en souvient, assuré vendre "du temps de cerveau humain disponible" à Coca-Cola. Au-delà, elle mentionne le développement de l'advertainment, des pseudo-reportages conçus par et pour des annonceurs ainsi que du product placement, activité consistant pour un fabricant à assurer la présence visible des ses marques dans des oeuvres de fiction: ces deux techniques ont en commun de dé-contextualiser les messages publicitaires afin d'en favoriser la réception.
Agrégeant tous ces phénomènes elle évoque l'émergence, donc, d'un "neuromarketing", qui fleure bon le cauchemar Orwellien.
A noter, l'article démarre par une anecdote, dont Marie Bénilde renonce à déterminer si elle est vraie ou fausse: Lénine, en 1919, aurait sollicité le célèbre physiologiste Pavlov afin de savoir si les travaux du chercheur sur les réflexes conditionnés pouvaient aider les bolcheviks à construire l'"Homme nouveau". Le savant, dit-elle, "aurait pu servir la propagande du régime en associant, par voie de stimuli extérieurs, des pulsions instinctives à des automatismes de transformation collective". Pavlov n'en put mais, constate-t-elle (avec dépit?). Et l'article se conclut ainsi: "(...) c’est encore et toujours le consommateur qui est visé. Pour stimuler des automatismes pavloviens de transformation collective? Non, il ne s’agirait que d’une banale stimulation des ventes...". Message subliminal adressé à l'inconscient du lecteur: ces salopards de capitalistes sont parvenus à manipuler les individus comme Lénine avait rêvé de le faire, mais leurs basses motivations matérielles n'ont rien à voir avec les rêves grandioses de Vladimir Illitch.
Face à ce complot, heureusement que le "Monde Diplo" et Marie Bénilde sont là pour sonner le tocsin, réveiller les consciences de leurs lecteurs et leur permettre "d'adopter une démarche citoyenne", comme on dit.
Oui, mais bon.
Travaillant moi-même dans la recherche marketing, je peux confirmer qu'en effet les "neurosciences" sont à la mode dans ce petit milieu. Ici et là fleurissent des méthodes consistant à mesurer "l'émotion" générée par les messages publicitaires, usant tantôt d'appareillages hi-tech (capteurs sensoriels, eye-tracking), tantôt de bonnes vieilles techniques projectives (portraits d'individus exprimant ouvertement la joie, la peur, etc.. montrés aux interviewés). Quelle que soit l'approche, il s'agit de s'efforcer de ramener le Saint-Graal de la recherche publicitaire: la réaction "vraie" du consommateur, par delà la post-rationalisation que véhicule inévitablement un questionnaire traditionnel. Tout cela serait à tout le moins porteur de menaces de manipulation des individus si la publicité, en tant que discipline, n'était affectée d'un lourd handicap dans ses ambitions manipulatrices: les publicitaires eux-mêmes.
En quoi consiste le métier d'un publicitaire? A vendre aux fabricants des idées développées par ce qu'on appelle des "créatifs", en les convainquant que ces idées vont leur permettre de résoudre leurs problèmes (notoriété, image) et donc, in fine, de vendre davantage. Moyennant, bien évidemment, la rémunération des efforts de "création" des idées (les honoraires) et l'investissement dans leur diffusion (l'achat d'espace dans les médias, sur lequel les agences de publicité se gavent largement). Dans ce contexte commercial, qui se chiffre en dizaines de millions d'Euros dans certains cas, il y a une chose que les publicitaires détestent par-dessus tout: l'évaluation objective préalable, par une source indépendante, de la pertinence de leurs idées. C'est pourquoi les plus grandes agences de publicité disposent de leur propre département de recherche marketing, généralement pompeusement baptisé "Planning Stratégique": en même temps qu'une campagne, on vend son évaluation. Évidemment, en général, les résultats ont tendance à en être plutôt positifs, c'est humain. Les grands annonceurs disposent bien sûr de ressources externes (les instituts d'études) pour évaluer par eux-mêmes la production publicitaire avant qu'elle ne soit diffusée, et la confrontation des résultats des uns et des autres donne souvent lieu à des meetings croquignolets. Mais quels qu'en soient les auteurs, les pré-tests de campagne sont systématiquement menés en aval du processus créatif. Alors neurosciences ou pas, "scanning" du cortex pré-frontal ou doigt mouillé, les décisions sur les campagnes de pub se font largement dans l'incertitude, quand elles ne sont pas biaisées par des intérêts financiers bien compris.
Tout çà pour dire à Marie Bénilde que, ne lui en déplaise, la manipulation des cerveaux n'est pas à l'ordre du jour chez les capitalistes, et singulièrement chez les publicitaires: il faudrait pour cela que chez ces derniers le porte-monnaie ne tienne pas lieu de cerveau, justement. Bref, Big Brother a des moyens considérables, mais il est un peu con, quand il s'y met.
Difficile d'admettre, au "Monde Diplo", que l'adversaire qu'on s'est choisi, le capitalisme, est parfois un peu neu-neu. Tout autant que d'admettre qu'avec ou sans Pavlov, Lénine et ses disciples ont généré des morts par millions un peu partout dans le monde. Bien plus sûrement que Coca-Cola, jusqu'à preuve du contraire.
Allez, salut.

vendredi 2 novembre 2007

Ils s'appelaient "Faits Divers"

Il y a des faits d'actualité qui, brusquement, sautent au visage des quidams que nous sommes et nous laissent perplexes. Des trucs inclassables qui, par défaut, se situeraient dans la rubrique "faits divers" et qui, pour une raison ou pour une autre, débordent du cadre. Par exemple: la mort du type qui a largué la bombe sur Hiroshima, les soupçons qui pèsent sur Bernard Laporte, la dérobade de Cécilia et, plus singulièrement, l'affaire de l'"Arche de Zoé". Impossible d'échapper à cette dernière, elle occupe chaque jour les médias de toute sorte depuis près d'une semaine.
De quoi s'agit-il? Dix-sept Européens et deux Tchadiens ont été arrêtés par les autorités de N'Djamena, au motif qu'ils s'apprêtaient à faire sortir du Tchad 103 enfants. Point de départ de l'affaire, une ONG Française répondant au doux nom d'"Arche de Zoé" qui souhaitait "sauver", en les exfiltrant vers la France, des orphelins Soudanais du Darfour. Et les avait déjà "proposés" à des familles d'accueil, moyennant quelques milliers d'Euros de "soutien à l'association". Manque de bol, les 103 enfants en question ne sont ni orphelins (d'après l'UNICEF, qui en est sûre au moins pour 91 d'entre eux), ni Soudanais. Par-dessus le marché, ladite ONG a agi au Tchad sous un faux nom ("Children Rescue") et, c'est un détail, sans informer les autorités locales de ses intentions réelles. Colère du président Tchadien Idriss Déby (un fieffé salopard par ailleurs, mais là n'est pas la question) qui parle de "pédophilie", de "trafic d'organes" et de "traite négrière", histoire de détendre l'ambiance. Là où çà se corse, c'est qu'on apprend au passage:
  • Que le Quai d'Orsay était au courant et qu'il a cherché à dissuader les responsables de l'ONG de se lancer dans l'opération (avec succès, visiblement)
  • Que l'Armée Française a apporté, à un moment donné, un soutien logistique à ladite ONG (où quand le dispositif "Epervier" vient en aide aux étourneaux)

Enfin, parmi les dix-sept - désormais inculpés au Tchad de chefs d'accusation qui peuvent leur valoir les travaux forcés - ô rage, ô désespoir, trois journalistes. S'il y avait eu parmi les inculpés trois charcutiers, trois employés de La Poste ou trois funambules du cirque Bouglione, il y a fort à parier que le tapage médiatique eût été un peu moins sonore... Mais un journaliste, c'est sacré, "çà ne fait que son métier". Çà peut bien aller s'acoquiner avec la pire bande de branquignols pour décrocher le scoop garanti 100% émotion à la une de "Match", dès que çà chie un peu, hop, pouce, c'est pas moi, m'sieur, je leur avais dit, pourtant, que c'était pas bien... Décidément, n'est pas Florence Aubenas qui veut. Mais rassurons-nous: aux dernières nouvelles ("Libération", ce jour), le Président Déby est "prêt à faire un geste" pour les journalistes, bonne volonté à laquelle un certain nombre de coups de fils de notre Président à nous (enfin, façon de parler, appelons-le plutôt le Président Crédy, hyper-méga-solvable depuis qu'il s'est fait voter une augmentation de 140%) ne sont sans doute pas étrangers. Il est comme çà, Nicolas, c'est tout lui, çà. Un truc bien couvert médiatiquement? Hop, il met son grain de sel. Son gouvernement a visiblement merdé sur ce coup-là: comment se fait-il que les Affaires Etrangères "dissuadent" tandis que la Défense "apporte un soutien logistique?" Plutôt que de décentraliser les Conseils des Ministres en Corse ou sur la Lune, il conviendrait d'inciter ces derniers à vaguement échanger de l'info, de temps à autre. Mais peu importe, les médias s'excitent sur le sort injuste fait aux journalistes, alors Sarko prend son téléphone et s'efforce de les tirer d'affaire. Pour les autres "innocents" (l'équipage Espagnol de l'avion "sauveteur") on verra plus tard. Pour sûr, ç'aurait été un job en or pour Cécilia, çà, les Espagnols... Oui mais voilà, a p'us, Cécilia, c'est con, la vie. Quant aux accusés "légitimes" - les membres de l'ONG - après que Sarko ait vertement "condamné" leur initiative, il demande au Président Tchadien que soit respectée "la présomption d'innocence". Allez comprendre. Quoiqu'il en soit, plusieurs choses me paraissent dignes d'être relevées dans cette histoire:

  • La première, c'est que tout le monde (à part l'UNICEF) se contrefout des 103 gamins. Qui sont-ils, d'où viennent-ils, va-t'on les ramener à leurs proches, quels intermédiaires locaux foireux les ont mis dans cette galère? On sait désormais qu'ils sont tous Tchadiens, mais le seul commentaire qu'on peut glaner çà et là c'est un truc sarcastique du genre "oui, mais bon, l'état-civil, dans ces pays-là..." Comme si, après tout, l'important c'était qu'ils soient noirs d'Afrique, donc malheureux, donc dignes d'intérêt pour les bonnes âmes de nos contrées. Ils n'ont pas vraiment de nom, dans quelques années on dira qu'ils s'appelaient "Faits Divers", comme dans la chanson du groupe "Téléphone"
  • La deuxième, liée à la précédente, c'est que pour un certain nombre de nos contemporains - encouragés entre autres par un certain Bernard Kouchner, Ministre des Affaires Etrangères dont le silence est assourdissant, ces jours-ci - l'Afrique constitue une espèce d'immense terrain libre pour satisfaire des pulsions de générosité. L'Afrique souffre, c'est indéniable, de multiples maux, et ce qu'on appelle "le drame du Darfour" en est un exemple probant. Alors oui, il y a plein de gens sincères qui veulent "faire quelque chose", et toutes les ONG Françaises d'aide à l'Afrique ne sont pas des "Arches de Zoé", loin s'en faut. Mais nous vivons des temps où la compassion des uns (des citoyens de base) vient opportunément masquer le cynisme des autres (les dirigeants d'ici et de là-bas) dans le tourbillon du "spectacle du monde". Nous vivons des temps où le sentiment d'urgence dans cette compassion balaie toute réflexion. C'est comme çà qu'on se retrouve à gérer une bande d'imbéciles au grand coeur (dans le meilleur des cas) qui estiment légitime, envers et contre tout, d'aller "sauver" l'Afrique sans lui demander son avis.
  • La troisième, un poil plus anecdotique, mais tout de même, c'est qu'alors qu'on expulse des petits et des grands Africains à tour de bras, jour après jour, au nom d'une impossibilité à "accueillir toute la misère du monde" comme disait Rocard, on sent entre les lignes des commentaires des médias et des dirigeants comme un regret que le fameux avion ait été intercepté avant son décollage: "merde, un peu plus, c'était bon, quel salaud cet Idriss Déby". Dites-nous donc, cher Brice Hortefeux, les 103 gamins, ils auraient automatiquement eu le statut de réfugié? Aurait-il fallu leur faire passer je ne sais quel test ADN? Le simple fait de venir du Darfour (ou presque) présente-t'il un caractère dérogatoire aux lois qu'impose à vos yeux la vigoureuse défense de notre "Identité Nationale"? Mais vous n'étiez certainement pas au courant de cette histoire, personne ne se parle, dans ce gouvernement... Y en a un qui doit bien rigoler, c'est Charles Pasqua: en 1986, tout le monde lui était tombé dessus parce qu'il avait fait expluser par charter 101 vrais Maliens. Aujourd'hui, le Président en personne, son ancien poulain, fait des pieds et des mains pour qu'on ne maltraite pas trop des gens qui s'apprêtaient à faire entrer par charter 103 faux Soudanais. Autre époque...

Cette affaire, il est encore difficile d'en imaginer le dénouement. Ce qu'on peut en tout cas remarquer, aujourd'hui, c'est qu'elle constitue une belle métaphore des quarante années et plus de "politique Africaine" de la France et, au delà, du regard de beaucoup de Français sur l'Afrique: un subtil mélange d'ignorance, de sordide et de pathétique.

Ciao, belli.

vendredi 19 octobre 2007

L'Europe par le bas

J'avoue que je n'ai pas bien suivi les détails des discussions menées par l'agité de l'Elysée afin de faire adopter par les 26 autres pays de l'Union son idée d'un "Traité simplifié". Mea culpa. Voici ce que j'en ai toutefois compris...

Au départ le constat, d'évidence, du blocage des institutions suite aux refus exprimés par référendum par les français et les hollandais - dans le contexte d'un élargissement aussi bien anticipé que l'après-Saddam par l'administration Bush -et de la nécessité d'en sortir.

Fil conducteur de la réflexion Sarkozyenne: pas la peine de refaire la copie et de la soumettre de nouveau au suffrage du peuple, çà prendrait bien trop de temps et puis, admettait-il benoîtement, "les français ont déjà dit non" alors le plus simple était de ne plus leur poser la question.

A l'arrivée: un "truc" qui apparemment modifie les règles de décision, redéfinit le nombre de commissaires par pays, et qui institue une présidence stable pour l'Union. Le tout a été signé la nuit dernière, et la chambre bleu-UMP est instamment priée de nous ratifier tout çà avant décembre, comme çà c'est fait c'est plus à faire et hop, on passe à autre chose.

Bon.

Tiens, au fait, Cécilia et Nicolas, c'est fini / Ouah, eh l'autre, eh, on s'en fout!

Beau succès pour Nicolas, clame la Droite. Pensez-donc: par la seule force de la volonté de son génial Président, la France "débloque l'Europe", rien que çà. "Le triomphe de la volonté", serait-on tenté d'éditorialiser au "Figaro", si l'expression n'avait déjà été utilisée par Leni Riefenstahl à propos du congrès nazi de Nuremberg, en 1935.

De fait, ce traité devrait quelque peu fluidifier le processus de décision au sein des 27. Enfin, pas tout de suite, tout de même: les polonais ont obtenu que la règle de décision à la majorité qualifiée ne s'applique qu'en 2017, voire 2019. Autant dire qu'on a le temps de voir. Çà devrait permettre aux jumeaux hydrocéphales à la tête de ce pays d'éviter qu'une quelconque décision européenne ne vienne contrarier leur belle législation anti-avortement avant longtemps. Le Vatican respire.

Pour négocier, c'est comme pour faire l'amour ou la guerre, il faut être au moins deux, m'objectera-t-on. En l'occurrence on est vingt-sept donc, forcément, aucune chance qu'un seul des participants ne soit pleinement satisfait. C'est la culture du compromis. Et vaut mieux çà que rien du tout, et gna gna gna.

Non, mais j'déconne pas: divorce par consentement mutuel / Et alors? On s'en tape, qu'on te dit!

Le problème c'est que, justement, il faille "négocier" à vingt-sept. Le problème, c'est cet élargissement, uniquement motivé par la perspective d'un "grand marché" au détriment d'une construction politique supranationale, un "grand marché" qui se fout de la volonté politique des peuples et qui se contente de leur consommation. A ce sujet, un grand merci à Lionel Jospin, le "sage" qui donne des leçons à tout le monde, qui a approuvé au nom de la France cet échafaudage suicidaire. Il eut fallu - et nombreux furent les clairvoyants à le dire - d'abord approfondir sur le plan "fédéral" l'Europe existante (au risque de laisser la Grande-Bretagne s'en éloigner, et alors?) puis, au cas par cas, élargir sur la base d'un "contrat" politique à prendre ou à laisser. Au lieu de çà, on a laissé s'agréger cette usine à gaz ingérable. Là-dessus vint se greffer le projet de "constitution" mitonné par la commission Giscard, suffisamment abscons dans son expression pour faire fuir les Européistes les plus convaincus, tout en étant assez détaillé sur le fond pour donner des arguments aux souverainistes de tout poil. D'où le "non" franc et massif en France et aux Pays-Bas. Et le blocage actuel.

Il paraît qu'ils ont essayé très fort, mais que vraiment c'était plus possible / Putain, mais çà m'en touche une sans faire bouger l'autre, là, tu vois?

Nicolas Sarkozy n'est certainement pas responsable de cette situation. Mais sa "solution" pour en sortir - un "mini-traité" - a été l'un des arguments-clés de sa campagne. Passons sur le fait - qui fait dès aujourd'hui hurler les "nonistes" sur le blog de Libération.fr - de se passer de l'approbation du peuple sur un sujet que, visiblement, le peuple a à coeur, vu le taux de participation au référendum de 2005. Passons sur les "cocoricos" qu'on ne va pas manquer de nous asséner, passons enfin sur les "Voyez, Monsieur d'Arvor, moi je vous le dis, quand on veut, on peut" que nous ne manquerons pas d'entendre prochainement sur TF1.

Mais tout de même, il y avait deux manières de sortir du blocage institutionnel: par le haut, et par le bas.

  • Par le haut, c'eût été d'imaginer une Europe politique à plusieurs vitesses, d'emblée, et surtout de définir en priorité le périmètre et les ambitions de son "noyau dur" (France, Allemagne, Espagne, Italie, Bénélux...). Et d'aller au "conflit" avec la Grande-Bretagne, la Pologne et les autres pays traditionnellement centrifuges/américano-centrés si nécessaire. C'eût été de définir une vraie Constitution (5 à 10 pages, pas plus), exclusivement dédiée aux grands principes humanistes et démocratiques inventés par les natifs de ce continent, à des règles de décision et aux équilibres entre les institutions (Présidence, Commission, Parlement, Cours de Justice). Et de faire valider le tout par un référendum conduit simultanément dans chacun des pays-candidats. Puis de l'appliquer dans les pays ayant voté "oui"
  • Par le bas... c'est exactement ce qui vient de se passer à Lisbonne. Un "machin" imbitable ménageant la chèvre slovène et le chou polonais. Par le bas, c'est l'option choisie par notre génial Président. Parce que çà va plus vite et qu'on a autre chose à faire. Parce que l'Europe comme avenir politique, au fond, il s'en fout comme de sa première promesse électorale

Il paraît qu'elle ne se faisait pas à la vie protocolaire de l'Elysée / Oh, arrête, si tu savais comme on s'en branle!

Cerise sur le gâteau: le présent traité élimine toute référence officielle à un drapeau et à un hymne européen. Exeunt, donc, la bannière étoilée ci-contre et, surtout, le final de la 9ème de Beethoven. Ça devait chiffonner la délégation polonaise, ce truc allemand, sûrement... Alors voilà, c'est fait: le peu qu'il restait du dépassement palpable des guerres et des massacres sur ce continent vient d'être sacrifié, au nom des susceptibilités nationalistes de démagogues ignares. Ne reste, pour le coup, qu'une Europe de petits boutiquiers chauvins, une Europe de marchands, et rien d'autre, vraiment. L'hymne à la joie, c'était un symbole, un beau. Oui mais voilà: les marchands n'entendent rien aux symboles, ils ne comprennent que les logos.

Ce compromis-là, je ne pardonnerai jamais à Sarkozy de l'avoir accepté.

Non mais, tu te rends compte, maintenant il va être tout seul... / Oh, mais tu nous les brise avec tes considérations "people"!

Quoique... L'Elysée refusa catégoriquement, il y a peu, que Cécilia comparaisse devant la Commission d'enquête de l'Assemblée Nationale sur la libération des otages de Kaddhafi. Argument à trente-deux cents du "palais": la séparation des pouvoirs. Comme si la femme du Président était dépositaire ne serait-ce que d'une once de pouvoir exécutif. Bon, ben maintenant qu'elle est redevenue une quidam à 100%, la Commission Moscovici va peut-être bientôt la convoquer. Et réaffirmer le pouvoir des élus. Le pouvoir de la séparation, en quelque sorte.

Allez, tchao.

dimanche 14 octobre 2007

Entreprendre, qu'ils disaient

Il est de bon ton, depuis plus d'une vingtaine d'années, de porter un regard cynique et désabusé sur la classe politique. L'extension de l'idée du "tous pourris", tant redoutée par les chiens de garde des "dérives populistes", n'est plus une menace qu'il s'agirait de conjurer, mais un lieu-commun, largement entretenu par pléthore de livres, de films, de spectacles comiques, le tout sur fond d'une tradition bien franchouillarde d'indignation: l'incivisme, c'est les autres. Il est vrai que de Carrefour du Développement en Affaire Elf ou Urba, de la Mairie de Paris à celle de Grenoble, Droite et Gauche ont donné à voir au bon peuple foultitude d'exemples de malversations, de petites et grandes combines, où la frontière était parfois ténue entre financement d'un parti politique et enrichissement personnel. Aujourd'hui encore traînent aux basques d'un Pasqua ou d'un Chirac des casseroles bruyantes, tandis qu'on s'interroge sur les conditions d'achat d'un appartement à Neuilly-sur-Seine, par le ci-devant maire de cette belle commune de l'ouest parisien. La rupture, d'accord, hein, mais bon, faut pas exagérer.
Ces feuilletons aux multiples rebondissements, combinés au désengagement progressif de l'Etat de la sphère économique (privatisations, transferts de pouvoir aux instances européennes) et de la perte de puissance qui en découle, ne sont bien évidemment pas pour rien dans la baisse régulière de la participation aux élections, nonobstant le sursaut observé lors de la dernière présidentielle. Globalement, donc, les politiques ont perdu pouvoir et prestige. Est-ce le phénomène de la poule et de l'oeuf? Toujours est-il que la vigilance des médias à l'égard des déviances des élus s'est largement accrue. Les politiques sont en permanence sous les feux de la rampe: au moindre faux-pas, vlan, c'est l'hallali. C'est salutaire, dira-t-on, et la démocratie ne peut que mieux s'en porter. Mouais.
Mouais, car il faudrait que cette vigilance s'applique avec autant de rigueur à l'égard d'autres puissants devenus, entretemps, bien plus puissants: ceux de la sphère économique. Or, en France tout au moins, çà coince, tant les médias sont, pour la plupart, sous le contrôle de grands groupes industriels - ne serait-ce que via leurs ressources publicitaires. Pour dix articles/sujets d'investigation sur les turpitudes du député-maire machin, combien d'enquêtes serrées sur la "gouvernance" au sein des entreprises? Vous pouvez compter: zéro, ou presque.
L'air du temps, de surcroît, est à l'exaltation de l' "entrepreneurship", de la "croissance", on a même vu un Premier Ministre nous parler de "patriotisme économique". Signe des temps, le bon vieux Conseil National du Patronat Français s'est mué il y a quelques années en Mouvement des Entreprises de France. "Mouvement": non content de s'arroger son pouvoir, l'économique dépouille le politique de ses oripeaux.
Bref, au nom de la croissance économique et "donc" de la lutte contre le chômage, les dirigeants d'entreprise, c'est sacré, pas touche. Et notamment ceux des entreprises exemplaires, celles ayant atteint la "taille critique" leur permettant de se bagarrer à l'échelle de la planète. Comme EADS, par exemple.
EADS, tiens, justement. Il arrive un moment, tout de même, où on a beau se forcer à regarder ailleurs (l'Irak, la Birmanie, la Coupe du Monde de Rugby, les Sarkozeries du jour), rien à faire: il se dégage une puanteur de scandale d'un fait d'actualité, et il faut se rendre à l'évidence, c'est bien de dirigeants d'entreprise qu'il s'agit.
En résumé: 1 200 dirigeants du groupe d'aéronautique et d'armement s'en sont vite fait-bien fait mis plein les fouilles avec leurs stock-options avant que les retards de production de l'A380 ne soient connus, et que les actions qu'ils détenaient perdent 27% de leur valeur. Par ailleurs deux des actionnaires principaux du groupe EADS, Lagardère en France, Daimler-Benz en Allemagne, se sont aussi débarrassé de 7,5% de capital qu'ils détenaient chacun, quelques mois avant la chute du cours. Et on flaire que tous ces gens ont agi en connaissance de cause. Un délit d'initiés, ça s'appelle. Là-dessus, côté français, se greffe le soupçon que le ministre de l'Economie de l'époque, Thierry Breton (issu non pas du monde politique, mais de celui de l' "entreprise") ait laissé, là aussi en connaissance de cause, la Caisse des Dépôts et Consignations, Banque d'Etat, racheter un tiers des actions vendues par Lagardère. Perte pour la CDC, donc pour le contribuable, suite à l'effondrement de l'action: 200 millions d'Euros. Pendant ce temps là, rappelons-le, tout ce beau monde convenait qu'il était nécessaire de "restructurer" EADS. Un "plan" répondant au doux nom de Power 8 fut donc mis en place: 10 000 suppressions d'emploi dont a priori zéro, très exactement, parmi les 1 200, faut quand même pas déconner.
Là, vraiment, çà renarde tellement velu que toute la presse en parle.
Parmi les multiples réactions à l'affaire, l'une mérite qu'on s'y attarde, celle de Laurence Parisot, présidente du MEDEF: ces gens-là sont méprisables a t-elle dit en substance, très très colère, ils sont "tout sauf des patrons". Ah bon? Des pizzaiolos, des employés de maison, des chauffeurs-livreurs, des infographistes stagiaires, alors, peut-être? C'est bien malheureux, chère Laurence, mais ce sont ce qu'on appelle des "patrons", jusqu'à ce que la langue française ait trouvé un autre synonyme pour "Co-président exécutif du Directoire" (Noël Forgeard, 4,1 millions d'Euros de plus-value) ou "Directeur Général" (Jean-Paul Gut, 1,8 millions d'Euros de plus-value).
Le fait est que si les soupçons de délit d'initié sont avérés, ces individus ne sont pas plus dignes d'être dirigeants d'entreprise qu'Alain Carignon n'est digne d'être maire de Grenoble. Cependant Alain Carignon, battu aux dernières législatives, vient de déclarer qu'il ne se représenterait pas aux municipales. La probabilité qu'on le voie prochainement exercer des responsabilités politiques est donc nulle. Je ne jurerais pas que Noël Forgeard soit appelé à disparaître du paysage économique, en tout cas avant longtemps.
Car nous sommes en France. Aux Etats-Unis, le "patron" d'Enron s'est pris vingt-quatre ans de gnouf, ferme. De ce côté-ci de l'Atlantique, on envisage plutôt de dépénaliser de Droit des Affaires, pour "libérer la croissance". Qu'est-ce qu'ils sont cons, ces Américains, avec leur croissance tout emprisonnée, les pauvres...
Toujours est-il qu' il n'est pas plus intelligent d'accabler l'ensemble des dirigeants d'entreprise que de traiter l'ensemble des hommes et femmes politiques de "pourris". Il y a que la plupart de ces derniers affrontent régulièrement ce qu'on appelle des électeurs, et tous, même Villepin, une presse déchaînée quand ils font vraiment les cons. Sans parler des juges. Tandis que parmi une certaine caste d' "entrepreneurs", la prise de risque économique c'est toujours pour les autres, et l'impunité est la règle.
Alors si ces gens-là "ne sont pas des patrons", il serait bon que le monde économique, à commencer par le MEDEF, se dépêche d'inventer des moyens pour qu'ils ne risquent pas de le (re)devenir. A défaut, il ne faudra pas jouer les victimes si le politique s'empare un jour a nouveau de la question. On peut toujours rêver.
A bientôt

vendredi 12 octobre 2007

Ni dupe, ni soumise?

Ah, l'"ouverture" Sarkozyenne! On en aura noirci, du papier, sur ce phénomène marquant de l'après-6 Mai 2007... Il faut admettre que ce fut un coup de génie, cette démarche en contre-pied, qui consista à recruter Ministres, Secrétaires d'Etat, Présidents ou de membres de commissions, de missions tout court, parmi des gens de Gauche ou affichés comme tels. Trois segments, parmi les bénéficiaires de cette largesse d'esprit:
  • - Les Altruistes mal-compris, socialistes vivant assez mal l'horizon bouché de leur carrière (Kouchner et, dans une certaine mesure, Lang) et affichant un noble souci de l'"intérêt général" tout en soulignant la "fidélité à leurs convictions"

- Les Franchement retournés, comme Besson ou Jouyet

- Les Suppléments d'âme, comme Martin Hirsch et Fadela Amara, plutôt classés à Gauche mais membres éminemment emblématiques d'une "société civile" dont l'action traiterait d'enjeux dépassant les clivages, en dernière analyse (Sarkozyenne).

Pour être exhaustif, on serait tenté d'ajouter un segment complémentaire, les Pistonnés, s'il ne contenait aujourd'hui qu'un seul individu: Dominique Strauss-Kahn.
A ces ralliements plutôt spectaculaires s'ajouta la promotion interne de fidèles "issus des minorités visibles" - Rachida Dati, Rama Yade - et femmes, de surcroît, à des postes tout sauf marginaux. Ce que, on ne le dira jamais assez, la Gauche "oublia" singulièrement de faire lorsqu'elle était aux commandes.
De fait, le pouvoir Sarkozyen nouvellement constitué s'afficha d'emblée comme un kaléidoscope polysémique, offrant, au premier abord, le double bénéfice de couper les jarrets d'une Gauche déjà sonnée par sa défaite présidentielle et de désamorcer par avance le reproche d'accaparement du pouvoir par une "faction" (accusation qui fit le succès de Mitterrand en 1988). Pour compléter le tableau, des Sarkozystes "historiques", écartés de facto des responsabilités, exprimèrent publiquement leur amertume (tel l'inénarrable Devedjian, que le PS devrait inventer s'il n'existait pas), ce qui renforça la crédibilité de ladite "ouverture".
De ci, de là, il y eut bien quelques fausses notes directement liées aux audaces du recrutement Sarkozyen: Martin Hirsch s'émouvant publiquement des dé-remboursements de médicaments, Rama Yade allant soutenir des squatteurs expulsés... Mais on n'en a pas chié un panzer, un petit froncement de sourcils de Fillon, une petite mise au point de Guaino (à moins que ce ne soit l'inverse) et tout fut bien vite oublié sous l'avalanche des initiatives présidentielles à destination des médias.
Cette semaine cependant s'est fait entendre un couac un peu plus sonore: Fadela Amara, Secrétaire d'Etat à la Politique de la ville, a publiquement fait savoir qu'elle trouvait "dégueulasse" l'instrumentalisation du phénomène de l'immigration à des fins politiques, évoquant notamment le fameux "amendement ADN" de Thierry Mariani. Brouhaha dans les rangs des parlementaires UMP qui ont voté ledit amendement. "Ouah l'autre, eh. Mais pour qui elle se prend, celle-là? J't'en foutrai, moi, de l'ouverture!" Aux dernières nouvelles (AFP, ce jour, 18h30), Fadela est gentiment invitée à un petit déjeuner avec Thierry Mariani, Patrick Devedjian (encore lui) et éventuellement Brice Hortefeux, dès lundi matin. A mon avis çà va être un peu ambiance rock'n'roll, ce petit déjeuner. Si çà se trouve, çà va se terminer à coups de croissants et de pots de confiture dans la gueule.
Plus sérieusement: l'immigration a des causes et des conséquences multiples et complexes, que je ne saurais décortiquer à cette heure. Notons simplement les faits suivants:
  • Ces vingt dernières années, la Gauche de gouvernement a soigneusement évité d'en aborder de front l'effet sur la vie quotidienne de son électorat populaire, au nom d'un humanisme de bon aloi, tandis que la Droite a considéré et traité l'immigration comme un "problème"- aiguillonnée en cela par le Front National - mais sans franchement dire en quoi ce "problème" pouvait bien consister
  • Les uns et les autres (surtout la Droite, mais pas seulement) ont accumulé lois et décrets en tout genre sur les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire, faisant de ce domaine un fatras juridique à peu près aussi lisible que le droit fiscal, créant des situations ubuesques d'immigrants illégaux dont on n'est pas bien sûr, au fond, qu'ils soient légalement expulsables
  • En toile de fond s'est dessinée l'alternative stupide entre expulsion massive et régularisation massive des "sans papiers", l'une et l'autre également impraticables

Là-dessus est arrivé Sarkozy, avec son concept d'"immigration choisie", son programme d'expulsions "au cas par cas" mais dont le nombre est calculé d'avance et, cabriole sémantique spectaculaire, son "Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale". Pas besoin d'un Doctorat en Sciences Politiques pour relever que cette dernière initiative a joué un rôle majeur dans le siphonnage des voix Frontistes. Or, et nous l'avons noté ici-même (Diabolisé, et content de l'être, 28 Avril), ce clin d'oeil appuyé aux obsessions "identitaires" n'est pas qu'un exercice de style. Le "je vous ai compris" de Sarko aux électeurs Frontistes se traduit, aujourd'hui, par un durcissement des conditions d'immigration et une relance des expulsions de "sans papiers".

Politiquement (2012), l'enjeu du maintien de l'électorat Frontiste dans l'escarcelle Sarkozyste est majeur. Des gamins terrorisés par les flics frappant à leur porte peuvent bien se jeter par la fenêtre, on peut bien arrêter un grand-père chinois à la sortie d'une école, tabasser les expulsés dans les avions... Rien à péter: l'essentiel, c'est de donner des gages visibles à cet électorat très volatil. Et tant pis si une vraie régulation passerait par la répression impitoyable des employeurs des clandestins, on ne va tout de pas se mettre à dos l'industrie du bâtiment et les viticulteurs du midi.

Dans ce contexte, à quoi sert vraiment, en seconde lecture, la politique d'"ouverture", et notamment la place faite à une Fadela Amara? A masquer, derrière une "diversité" visible, une politique brouillonne et démagogique sur une question que, par ailleurs, le bon sens suggérerait de traiter quasi-exclusivement à l'échelle européenne.

Alors oui, Fadela, c'est "dégueulasse" d'instrumentaliser l'immigration à des fins politiques. Mais servir de paravent à une telle instrumentalisation, vous appelez çà comment? "Ignoble", "à gerber", ou tout simplement "couillon"?

Il serait temps de montrer que vous n'êtes ni dupe de la manipulation Sarkozyenne, ni soumise au plaisir, bien compréhensible, que procurent la célébrité et le pouvoir. Dès lors arrêtez les frais ce lundi matin et, c'est une suggestion, videz la cafetière sur la tronche de Thierry Mariani.

Allez, salut.

vendredi 21 septembre 2007

PS: le temps des pisse-vinaigre

Alors moi je dis le Parti Socialiste, vous devriez tous faire comme moi - y adhérer - parce qu'une organisation politique avec de telles vedettes, çà n'existe nulle part dans le monde. A la limite, on devrait essayer d'exporter le concept, dans le business de l' "entertainment" ça ferait un malheur, Holly- et Bollywood n'auraient qu'à bien se tenir.
La situation sur le front est connue de tous: en face, un Président bonapartiste et franchement mégalo qui, comme Raoul Volfoni, déploie des flingues de concours et la puissance de feu d'un croiseur. Sur les terrains économique, social, diplomatique, une déferlante de "visions", de "projets" plus ou moins cohérents, acceptables, appropriés, et financés. Le tout bruyamment relayé par des médias subjugués et "embedded" à une fréquence quotidienne (cf. article précédent). La seule accalmie prévisible de ce vacarme, à court terme: Février 2009, qui ne comptera que 28 jours (2008 est bissextile, pas de bol).
Dans la mesure ou le bruit médiatico-politique est quasi-exclusivement constitué de Sarkozeries en tout genre, en quoi peut constituer idéalement la communication du seul parti d'opposition encore debout?
Simultanément émettre deux types de messages: déconstruction des embrouilles du camp d'en face d'une part, formulation d'un projet de société et d'options alternatifs crédibles d'autre part, et pas forcément dans cet ordre-là. Et s'efforcer de trouver des canaux efficaces pour les faire passer, même si c'est difficile.
On a cru comprendre que le "projet" était en train de se concocter, mais que ça ne risque pas d'être trop "soudain", comme on dit en Suisse Romande. Fin 2008, lors du Congrès, inch' allah. Admettons. Reste le commentaire critique des actions et projets de l'Exécutif. De ce côté-là ça se passe à peu près correctement, encore que: qui a-t'on véritablement entendu réagir sur la politique étrangère? Bayrou, le Lider Minimo aux deux députés, qui a clairement fait passer le message du franchissement de ligne jaune en termes d'atlantisme (dérive anticipée ici-même il y a quatre mois, oufoufouf, voir "Bernard, l'ermite", 23 Mai). Il est vrai qu'Hubert Védrine, seule voix qui porte en la matière au PS, est occupé à se faire couvrir d'éloges suite à son rapport Sarko-mandé sur "La France dans le monde". On peut pas être partout.
Quoiqu'il en soit, critiquer intelligemment les initiatives du pouvoir devrait suffir à la tâche des "ténors du PS", comme on dit (ceux qui causent dans le poste). Pour le reste, laisser passer les sarcasmes sur l'absence d'alternative structurée en attendant des jours meilleurs, tout en construisant discrètement et en profondeur cette alternative: voilà la feuille de route que suivrait un "ténor" un peu sensé.
Oui mais voilà.
Il se trouve que certains de ces "ténors" sont un peu oisifs, politiquement parlant, depuis quelques années. Alors ils occupent leur temps libre comme ils le peuvent. Chasse? Pêche? Nature? Parfois, peut-être, mais surtout: tradition. Une tradition très vivace, parmi les hommes et femmes politiques de tout bord, qui consiste à publier des livres, écrits seuls, sous forme d'entretiens ou grâce à l'aide discrète d'une "plume".
Coup sur coup ont paru, ce mois-ci, deux ouvrages de cet acabit: l'un de Claude Allègre ("La défaite en chantant"), l'autre de Lionel Jospin ("L'impasse"). Quelle est la teneur intégrale de ces ouvrages? A dire vrai je n'en sais rien, je ne les ai pas lus, ne les lirai pas, et m'en remettrai. Je n'en connais que ce que les médias ont bien voulu en dire, à savoir qu'ils contiennent l'un et l'autre des charges violentes contre Ségolène Royal. Il est bien possible que lesdits médias n'aient été intéressé que par cet aspect de leurs livres, mais à l'heure ou j'écris je n'ai entendu aucun des auteurs se récrier sur le thème "lisez bien, il y a plein d'autres choses, cette dimension de mes propos est marginale".
Là-dessus, Ségolène Royal déclare: "Pardonnez-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font" et "Si j'avais été Jeanne d'Arc, on m'aurait également brûlée vive". Rien que çà. A ce niveau, ce n'est plus de la "petite phrase", c'est de la micro-pensée. Bigote, de surcroît. Pourquoi pas: "Même pas mal, eh, c'est ç'ui qui dit qui y est" ou "Toi-même, enculé"?
Bref, résultat des courses: un parti d'opposition qui, sur la scène médiatique - ce qui n'est pas rien, en ces temps de Sarko-show - ressemble à une foire d'empoigne. Rien de nouveau sous le soleil, mais on ne peut pas dire que ça soit vraiment le moment. Du coup, une Droite qui ricane et qui en remet une louche sur l'opposition divisée et politiquement stérile.
Non, mais qu'est-ce qui a bien pu leur passer par la tête, aux deux retraités? Passons sur Allègre, dont le poids politique a toujours été inversement proportionnel au bruit que fait sa bouche. Mais Jospin?
Lionel Jospin ne s'est jamais remis du 21 avril 2002. Retiré "en pointillé" de la vie politique, il croit dur comme fer en son statut de "sage" (Un Houphouët-Boigny de Solférino, en quelque sorte). Or que voit-il? Malgré sa défaite, Ségolène Royal reste une hypothèse plausible pour la candidature PS en 2012, et il ne le supporte pas, lui qui a été frustré de sa confrontation avec Chirac. Alors le "sage" parle. Et dit tout le mal qu'il pense d'une personne qui naguère fit partie de son gouvernement. Bénéfice escompté: éliminer l'hypothèse en question. Après moi, le déluge, et bisque bisque rage.
Si on ne se fonde que sur la teneur de la réaction à chaud de l'"hypothèse" en question, il n'est pas exclu qu'il faille effectivement la reconsidérer sérieusement. Mais a priori rien ne prouve que cet ouvrage contribue en quoi que ce soit à effacer Ségolène Royal du paysage, si besoin était, par ailleurs.
Et quand bien même, bordel? Alors c'est çà, sa contribution au débat, à Yoyo? Ben mon vieux...
On a beau s'accrocher à l'idée que la "rénovation" du PS doit se faire indépendamment des questions de personnes, la tentation est grande, face aux pulsions graphomanes des pisse-vinaigre, de demander des exceptions à cette règle. Et de suggérer aux Allègre, Jospin, mais aussi Mélenchon, de se contenter de faire des coloriages ou de la pâte à modeler, on s'en fout, mais en silence: l'expression publique de leurs aigreurs ne sert à rien, sinon à réjouir Sarko et ses séides qu'il s'agirait plutôt, pour l'heur, de désespérer.
A bientôt

samedi 15 septembre 2007

Les larbins volontaires

Aujourd'hui, j'ai acheté "Le Monde".
A la "une" de l'édition de ce week-end, un titre, illustré d'un joli dessin de Plantu, attire mon regard: "Omniprésence et mouvement perpétuel: l'équation Sarkozy". Il s'agit d'une enquête, qui se développe plein-pot en page 22 sous un nouveau titre: "Le président tout-info". Dans cette enquête, le journaliste Philippe Ridet nous explique par le menu comment se construit ce phénomène auquel il est difficile d'échapper depuis le 6 Mai dernier: la Sarkozisation de l'information.
Aux Etats-Unis, l'entreprise de distribution Wal-Mart a bâti son succès, entre autres, sur une formule simple: EDLP, pour "Every Day Low Price". Chaque jour, le consommateur a l'assurance de trouver dans ces magasins une série d'articles en promotion. Ca "crée du trafic", comme on dit: bien évidemment tout n'est pas en promotion, mais une fois le chaland attiré dans le point de vente par les articles en question, il ne va pas s'emmerder à aller voir ailleurs si par hasard le reste de sa liste d'achats serait également moins chère. Ca permet de lui fourguer plein d'autres articles à des prix plus que normaux sans qu'il y prête attention, et donc à Wal-Mart de s'en mettre plein les fouilles.
L' "EDLP" a été bien évidemment mis en pratique par beaucoup d'autres entreprises de distribution, dont nos Carrefour et Leclerc. Jusqu'à récemment, cà restait une bonne grosse astuce d'épicier un poil retors. Mais avec l'élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, cette technique de l'"événement" quotidien pour faire du bruit et attirer l'attention sur un point B pour cacher la misère du point A relève du nec-plus-ultra de l'art de la politique.
Extrait de l'article de Philippe Ridet: "Le jeudi, David Martinon, porte-parole de l'Elysée, officialise l'agenda du chef de l'Etat. Journée noire pour les journalistes accrédités à l'Elysée. Ce jour-là, ils doivent modifier le leur, annuler des rendez-vous avec leurs sources, déplacer des déjeuners, retarder la rédaction de certains articles. Car chaque jour ou presque est l'occasion d'un déplacement". Les pauvres lapins. Le journaliste est lucide: " (...) pour décrypter, analyser, expertiser, il faut du temps. Et quand celui-ci se présente enfin, le président est passé à un autre sujet, et la presse à une autre polémique".
Eh oui, c'est ca le truc, t'as tout compris, Philippe.
Je continue de citer "Le Monde": "C'est du pain bénit, s'enthousiasme sans fard Jean-Claude Dassier, patron de LCI. Il fait vivre la chaîne. Avec lui, ça bouge !" Trop ? "Il crée l'actu en permanence, explique Valérie Lecable, directrice générale d'i-télé. Notre boulot, c'est de donner l'info. On ne va pas s'autocensurer au prétexte qu'il y aurait trop de Sarkozy."
Ben non, Valérie, surtout ne t'autocensure pas, ca serait dommage, ca serait même une atteinte à ta mission sacrée, qui est de porter la flamme de la vérité. Fais donc ton "boulot" et détends toi.
Philippe Ridet, toujours: "Les chaînes généralistes ont maintenant deux journalistes accrédités à l'Elysée, là où un seul suffisait du temps de Jacques Chirac. L'afflux d'images oblige à des choix draconiens. "C'est d'autant plus épineux que Sarko sait rendre les sujets intéressants", admet François Bachy, chef du service politique de TF1".
C'est sûr, quand on est chef du service politique de TF1, entreprise appartenant à Martin Bouygues, ami personnel du Président, entreprise dont le numéro 2 est Laurent Solly, ex-Directeur de campagne dudit Président, pas besoin de se gratter le ciboulot trop longtemps pour "admettre" trouver "intéressant" ce que Sarkozy a décidé de vendre aux médias ce jour-là. Pas étonnant non plus que chez LCI, filiale de TF1, on batte des mains dès que l'Elysée a une nouvelle idée (voir citation plus haut).
"A France 2 aussi, on tente de mettre de l'ordre et du sens dans l'agenda du président. "Nous essayons de ne pas nous enfermer dans le compte rendu quotidien, explique Michaël Darmon, journaliste accrédité à l'Elysée. Ce qu'il faut, c'est dispatcher Sarkozy dans les services afin d'apporter de l'expertise."
France 2 est vachement plus malin que tout le monde: Michaël Darmon "dispatche" et "apporte de l'expertise". Ah bon, nous voilà rassurés: le Service Public, tout de même. Pourtant, d'ou peut donc bien nous venir cette vague impression de "copier-coller"entre le "20h" de France 2 et celui de TF1? Putain c'est dur, le "dispatching". Et puis ca va trop vite: l'"expertise" doit se perdre en route.
Cet article, démarré sur le thème "un-président-hyperactif-qui met-la-pression-sur ses-équipes", après s'être pâmé devant un "(...) président qui bouscule. Qui recadre. qui colle à l'actualité. Qui fait des coups. Les réussit." se conclut sur un point d'interrogation: combien de temps ce cirque durera-t'il?
Je ne regrette pas d'avoir acheté "Le Monde", aujourd'hui. Rien que pour ce papier, cà valait le coup.
Au premier degré, pour comprendre un peu mieux la facon dont s'opère la gigantesque manipulation orchestrée par l'Elysée pour tétaniser / fasciner - à la facon de Kaa, dans "Le livre de la jungle" - ce qu'on appelle l'opinion.
Au second degré, pour me débarrasser des quelques illusions qui pouvaient me rester quant à la fondamentale honnêteté intellectuelle du "Monde". Car enfin, de quoi s'agit-il? Un média écrit démonte, même si le ton n'est pas à l'imprécation, une manipulation médiatique: formidable. A ceci près que les seuls exemples mentionnés nous viennent des médias audiovisuels. Chacun sait que ces derniers n'auraient rien à raconter si la Presse écrite n'existait pas... Mais tout de même: un peu facile de tirer sur les ambulances. Quid du "Figaro", de "Libération"... et du "Monde" dans le traitement le l'info-Sarko? Que l'on sache, les uns et les autres n'ont pas franchement fait preuve "d'autocensure" depuis le 6 mai... Sarko à la une, c'est comme la fille à poil en page trois du "Sun" ou du "Bild Zeitung": apparemment, cà fait vendre.
La vérité, c'est que les journalistes accrédités à l'Elysée, qu'ils soient de la presse écrite ou audiovisuelle, ont à peu près autant les moyens d'avoir un regard critique sur leur sujet que les reporters "embedded" dans les unités américaines lors de l'invasion de l'Irak en 2003. Que n'aurait-on fait pour de bonnes images "live" d'une mitrailleuse M-60 crachant ses valdas dans le désert mésopotamien? Avec Sarko, c'est pareil: au fond de soi, on sent bien qu'on se fait trimballer par l'artiste mais bordel, il faut en être, ne pas en louper une. Alors on suit. On se fait volontiers le larbin d'une pure stratégie de communication, visant à occuper l'intégralité de l'espace médiatique. EDLT: "Every Day Low Thinking", chaque jour, la pensée critique des médias réduite au minimum syndical, mais là n'est pas le plus important, au fond: cet essaim de journalistes qui relate les moindres faits et gestes du Président - dûment planifiés et calibrés pour "coller à l'opinion" - génère un bruit médiatique ininterrompu. Lequel bruit devient un fait en soi: oulala, ce qu'il est actif, Sarko, vous avez vu, encore, aujourd'hui?
Une amie, qui se dit "peu politisée", m'en a récemment sorti une bonne sur Sarkozy: "Y en a peu marre de toutes ces critiques, pour une fois qu'il y en a un qui essaie de faire quelque chose". Cette amie n'est ni naïve ni idiote. Bon, d'accord, elle est un peu à Droite, mais tout de même: la quotidienneté de la présence Sarkozienne finit par faire son effet. Dire et faire savoir c'est désormais faire, dire et faire savoir tous les jours, c'est bien faire. Et c'est bien connu, on ne doit pas critiquer si on ne fait rien soi-même.
Les larbins volontaires font de l'excellent travail, j'en connais un qui doit être ravi.
Salut à tous


dimanche 9 septembre 2007

Pâté de Foi

Deux événements se sont curieusement télescopés dans l'actualité récente: la diffusion d'un nouveau vidéoclip d'Oussama Ben Laden - après trois ans de silence - et la nouvelle selon laquelle Mère Térésa ne croyait pas vraiment en Dieu, au moins durant les cinquante dernières années de sa vie, ce qui fait quand même un peu beaucoup. On m'objectera que ça n'a rien à voir. Pourtant, si on y réfléchit bien, ces deux figures de l'iconographie contemporaine, l'une vivante, l'autre morte, symbolisent deux pôles diamétralement opposés d'un phénomène humain multi-millénaire: la foi. Au nom de cette disposition de l'esprit, l'une soulageait les vivants, l'autre les fait transformer en viande hachée. Bref, pour l'athée que je suis, cette coïncidence présente un intérêt rhétorique: celui de poser bien modestement de nouveau la question de la foi et de son influence sur les affaires du monde.
Mère Térésa, tout le monde connaît l'histoire: cette religieuse Albanaise s'est un beau jour mis en tête de permettre aux plus pauvres d'entre les pauvres - les SDF de Calcutta - de mourir dans la dignité. De son vivant, elle reçut le prix Nobel de la Paix. Depuis sa disparition en 1997, l'Église Catholique a entrepris de la béatifier, et son procès en canonisation est actuellement en cours. Elle devrait donc bientôt se retrouver en sainte (oui je sais, je vous l'ai déjà faite celle-là, désolé j'ai pas pu m'empêcher) si tout se passe comme prévu.
Mère Térésa, depuis de nombreuses années, c'est une sorte de cuirassier de la foi telle que l'entendent les autorités du Vatican: un exemple imparable balancé aux mécréants et bouffeurs de curés de toute sorte. Si quelqu'un s'avise d'évoquer le passé noir de l'Église (les tortures bénies par l'Inquisition au nom de l'extirpation de l'hérésie, les massacres sanctifiés durant les croisades, j'en passe et des meilleures) et s'interroge sur les bienfaits de la croyance en Jésus-Christ, aussitôt on peut répondre: "Oui, mais la voie du Christ, c'est aussi Mère Térésa". Si on fait remarquer qu'au nom de cette doctrine un curé polonais peut, en plein vingt-et-unième siècle, diffuser quotidiennement des messages antisémites à la radio sans être inquiété par sa hiérarchie, on vous rétorque: "Bon, d'accord, mais il y a eu Mère Térésa". La Saint-Barthélémy, Pie XII fermant sa gueule face aux crimes du nazisme, les dizaines de milliers de jeunes Irlandaises "de mauvaise réputation" enfermées à vie dans les blanchisseries des "Magdalene Sisters" jusqu'au milieu des années 80, le refus du préservatif dans la lutte contre le SIDA, les curés pédophiles couverts par leurs évêques? Certes, certes, mais voyez-vous, nous dit-on, il y a eu Mère Térésa. Mère Térésa, c'est la preuve que la foi apostolique, catholique et romaine peut soulever des montagnes pour faire disparaître un peu de souffrance dans ce pauvre monde. Bien sûr il y a eu les objections des hindouistes qui ont fait remarquer que la dame en question convertissait les mourants à tour de bras, profitant de leur état de faiblesse. Tout cela fut balayé sur le thème: "S'ils ne voulaient pas qu'ils soient convertis, ils n'avaient qu'à s'en occuper". Et puis on ne peut pas empêcher un commercial de faire du chiffre. Enfin, au regard des bienfaits prodigués, tout celà ne mangeait pas de pain, même eucharistique.
Mère Térésa, donc, ou la foi catholique en action pour le bien de l'humanité.
Et puis crac, la mouche dans le lait.
Voilà-t-y pas qu'on apprend, au travers de la publication de sa correspondance (publication menée par le Père Brian Kolodiejchuk, missionnaire de la congrégation fondée par religieuse albanaise, dans le cadre de son procès en canonisation) que Mère Térésa, durant cinquante ans, eut beau prier, se recueillir tant qu'elle pouvait, elle n'arrivait pas à "sentir" la présence du Christ. Le néant, zéro, ballepeau, que dalle, wallou. Evidemment, toute sa vie elle donna le change, mais au fond d'elle-même elle était torturée par ce "vide".
Ah ben merde, alors. Mais alors, tous ces bienfaits prodigués aux miséreux de Calcutta n'étaient donc guidés que par un altruisme hors du commun? Pas de super-"Maglite" greffée au fond de l'âme, pas de crucifié barbu l'entraînant vers la bonté, la générosité? Le procès en canonisation devrait donc s'arrêter de lui-même, et Mère Térésa rejoindre le panthéon laïque des bienfaiteurs athées de l'humanité...
Ce serait mal connaître la capacité de rétablissement intellectuel des curés. Le Père Brian Kolodiejchuk lui même explique que cette "absence" est la preuve même du don divin qui lui fut donné pour faire le bien (évoqué par "Time magazine" du 03/09/07). Et de citer de grands saints comme le mystique Saint-Paul-de-la-Croix qui, au XVIIIème siècle, "douta" durant quarante-cinq ans. Ben voyons. Ce genre de tour de passe-passe ("Elle n'arrivait pas à avoir la foi, c'est bien la preuve que la foi a guidé ses bienfaits") rappelle les contorsions des communistes, qui naguère affirmaient que le phénomène stalinien et ses millions de morts était la preuve du caractère profondément humaniste de leur doctrine, puisque Staline avait "dévié" du Léninisme.
Oussama Ben Laden, lui, jusqu'à preuve du contraire, croit en Dieu. Au nom de sa foi, le célèbre saoudien prône l'assassinat de ses prochains pourvu qu'ils soient euro-occidentaux - chrétiens ou juifs - ou arabo-musulmans "apostats". Jusqu'à aujourd'hui, cette foi lui a permis de frapper au coeur la première puissance économique et militaire mondiale sans être inquiété en quoi que ce soit (quelques petits déménagements de ci-de là, tout au plus). Mieux, ladite puissance, dirigée par un président très pieux, lui aussi, s'est embourbée dans une "croisade anti-terroriste" dont l'effet, jusqu'alors, n'aura été que de multiplier le nombre de partisans de Ben Laden de par le monde (sur ce fiasco, lire l'excellent "Dommages collatéraux", par Seymour Hersh, éditions Folio). Le salafisme de Ben Laden n'a pas grand-chose à voir avec la foi que pratiquent la majorité des musulmans et Bush n'est qu'un de ces imbéciles d'évangélistes, m'objectera-t'on à juste titre, mais la question n'est pas là: il se trouve que le meurtrier mégalo et le crétin qui lui court après "sentent" la présence de Dieu à leurs côtés sans aucun problème. Et sèment la mort et la désolation sur la planète.
Mère Térésa, quant à elle, constatant la misère des bas-fonds de Calcutta, a dû se faire la même réflexion que Woody Allen: "Si Dieu existe, il a intérêt à avoir une bonne excuse". Et faire avec, ou plutôt, sans.
Tout ça pour en arriver aux remarques suivantes: la foi d'un individu, quelle qu'en soit la forme, est au mieux le résultat d'une démarche de réflexion, au pire l'empreinte d'une tradition et/ou de contraintes familiales. Ce "pari" ne suscite a priori chez moi ni mépris, ni respect particuliers. C'est un phénomène bien humain, et voilà tout. Mais j'entends que les curés, rabbins, et imams de toute sorte nous lâchent un peu la grappe lorsqu'ils en font la condition nécessaire et suffisante de l'humanisme, du don de soi et de la générosité.
Ciao belli.