dimanche 25 février 2007

Droit de réponse

J'avoue que dans mon papier sur le "ségolénisme" je me suis un peu lâché... J'ai préjugé de l'étroitesse du champ de vision d'un de mes lecteurs, sous prétexte qu'il trouvait mon prénom "improbable"... J'ai donc dérapé un poil, et je m'en excuse auprès de ce lecteur, qui par ailleurs m'avait adressé des messages encourageants. Après tout, je n'en ai pas des tonnes, si je me mets à les insulter! Mea culpa, donc.

samedi 24 février 2007

Métaphores animalières

Les médias, ces dernières 24 heures, bruissent des commentaires sarcastiques des uns et des autres sur "le retour des éléphants": Ségolène Royal vient en effet d'appeler à sa rescousse tout ce que le PS compte de figures tutélaires, de Mauroy à Aubry en passant par Jospin, surnommés un jour par je ne sais qui "les éléphants". Et nos joyeux drilles de droite - à l'état plus ou moins pur, chimiquement: du FN à l'UDF - d'y aller chacun de leur vanne bien sentie sur "la harde", "le troupeau", ah ah, j'en ris encore. Le tout relayé par des médias dont pas un, à ma connaissance, ne prend la peine de faire remarquer à nos comiques que si c'est à cause de leur ancienneté dans le paysage qu'il convient de se gausser de Jospin et consorts, vient immédiatement à l'esprit le proverbe évoquant la paille, la poutre, et l'oeil du voisin. Puisque les crocodiles et autres sauriens (voir ci-dessus une photo exclusive d'Edouard Balladur) se mettent à rire des éléphants, restons en Afrique et citons ce proverbe africain: "C'est la passoire qui traite le couscoussier d'objet percé". Notons au passage qu'Arlette Laguiller s'est à ce jour abstenue de participer à ce concert d'éclats de rire. Elle n'était pas disponible ces dernières heures: à la suite d'une soirée un peu arrosée, hier vendredi, à l'occasion d'une réunion de l'Amicale des Anciens-Rédacteurs-de-Tracts-commencant-par-"Travailleurs...", elle a insulté des policiers, les traitants de "valets de l'ennemi de classe", et s'est retrouvée douze heures en cellule de dégrisement (voir photo).

Marine Le Pen , en revanche, y est allée de son commentaire: "Les archaïques reviennent en force". Il est vrai que Le Pen et le Le Pénisme, c'est résolument du neuf, du moderne. Pensez-donc: le papa se faisait élire député en 1956, autant dire hier. Et puis le programme, les idées, il faut l'admettre, rien que du très tendance, du post-moderne. C'est tout juste si on peut noter quelques précurseurs de cette avant-garde idéologique au cours du siècle dernier, voire celui d'avant encore (Boulanger, Déroulède, Drumont, Maurras, Doriot, Tixier-Vignancourt) , mais à part çà - des points de détail de l'Histoire - avec le FN, soyons-en sûr, c'est résolument vers l'avenir que se tourne la France. Marine Le Pen (saisie ici dans l'intimité d'un week-end à Saint-Cloud), c'est comme son papa: l'assurance de débarrasser la France de tous ses archaïques. Surtout ceux qui s'appellent Mohammed ou Boubacar.
Plus sérieusement: la France doit détenir le record du monde, parmi les démocraties, de longévité du personnel politique. Songeons que le président actuel a serré la main de Leonid Brejnev, Mao-Ze-Dong, Richard Nixon, et même de Line Renaud... Cumul des mandats, appareils politiques verrouillés, le PS ne fait ni mieux ni moins bien que ses concurrents, c'est regrettable mais c'est comme ca. Quoiqu'il en soit les candidats de droite se plaignaient d'avoir en face d'eux une Ségolène Royal inexpérimentée, ils ne vont pas maintenant nous en chier un panzer parce qu'on va leur aligner des vétérans, faudrait savoir... Et puis j'espère qu'ils vont un peu balancer, les anciens, j'en sais qui peuvent être féroces.
Après tout, Ségolène, t'as d' beaux vieux, tu sais...
Ciao belli

jeudi 22 février 2007

Ségolénisme suspect

L'un de mes lecteurs - il se reconnaîtra s'il revient traîner sa souris sur ces pages - a fait les remarques d'ensemble suivantes: j'aurais un "prénom improbable" et ma prose serait empreinte d'un "ségolénisme suspect". Je ne m'étendrai pas outre mesure sur le commentaire concernant mon prénom, sinon pour dire que la probabilité qu'un individu donné peut attribuer à l'occurence d'un prénom est proportionnelle à la largeur du champ de vision de cet individu. Exemple: un observateur lambda de l'industrie francaise, mettons Dominique De Villepin, postulera que les prénoms "probables" au sein du patronat sont: Arnaud, Michel, Edouard, voire Michel-Edouard, Claude... Quelle ne sera pas sa surprise lorsque surviendra dans le paysage un Lakshmi, qui en deux coups les gros s'offrira un truc comme Arcelor! Lakshmi, vous vous rendez compte? Passons.
Pour ce qui concerne le second point, je confirme, pour tous ceux qui en doutaient éventuellement, que je voterai Ségolène Royal le 22 avril, et que j'espère bien que nous serons nombreux à le faire. Mais j'avoue que le substantif "ségolénisme" m'interpelle, comme disaient, dans les années 70-80, les gens qui voulaient passer pour des intellos. Notons que ce mot est moins ambivalent que celui de "royalisme". Admettons que "ségolénisme" entende désigner une propension à affirmer qu'on va voter Ségolène Royal. Auquel cas, donc, je serais ségoléniste. Par ailleurs on juge mon ségolénisme "suspect", j'ai même l'impression que "ségolénisme suspect" est un quasi-pléonasme aux yeux de mon lecteur.
Cela étant, ce jugement de valeur est à mon avis symptomatique d'un "air du temps" que j'ai personnellement du mal à respirer: l'hypertrophie de l'affect et du sentiment dans le choix politique. Vous me direz, ne date pas d'hier: De Gaulle, Giscard, Mitterrand, et bien sûr Chirac ont surjoué leur "caractère" pour conquérir l'opinion. Dominique De Villepin, encore lui, a remarqué qu'"une présidentielle, c'est une rencontre entre un homme et un peuple". Dans sa tête, il pensait très fort "un homme de droite de plus d'1,70 m, qui a un nom à particule bien de chez nous, pas comme certains, si vous voyez ce que je veux dire", manque de bol pour lui le peuple lui a posé un lapin. Toujours est-il que cette remarque était frappée au coin du bon sens, voire à la limite de la Lapalissade. Pour qu'il y ait "rencontre", il faut que le ou la candidate soit doué d'une forme de charisme et que sa personnalité suscite un minimum de sympathie, j'en conviens. Mais j'ai comme l'impression que cette dimension, pour cette campagne, supplante toutes les autres.
En particulier, la personnalité de Ségolène Royal "fait débat", comme on dit. Elle est trop ceci, pas assez cela. Et puis c'est énervant, à la fin, ce côté "moi-aussi-je-suis-une-mère", tout ça tout ça. Pour couronner le tout, comme l'a révélé une vidéo diffusée lors des primaires du PS, Bourdieu lui-même (pensez donc: le dernier spécimen à peu près crédible de "l'intellectuel engagé", un Abbé Pierre laïc, sans béret, autant de manifs et de pétitions au compteur qu'Yves Montand et Jean-Paul Sartre réunis) lui trouvait "une personnalité de droite". Allez pan, prends dans la gueule, c'est du brutal, imparable. En plus, Bourdieu est mort, on ne pourra pas lui demander de préciser sa pensée. Pour autant qu'il ait pu le faire.
Ce substantif de "ségolénisme", c'est, à mes yeux, la quintessence de toutes ces considérations stériles sur la personnalité réelle ou supposée des candidats. Considérations qui sous-tendent qu'un vote lors d'une élection présidentielle est systématiquement l'expression d'un enthousiasme béat, inconditionnel, pour tel ou telle.
C'est peut-être vrai pour certains, pas pour moi. Je considère qu'une société qui fabrique des inégalités de façon exponentielle va dans le mur, je ne crois pas à "la main invisible" du marché, je pense que le politique, quelle qu'en soit la forme (État, Région, Europe Fédérale) a un rôle à jouer dans l'économie, plus tout un tas d'autres choses, que je ne vais pas inventorier ici. Et qui m'amènent depuis un bon moment, lorsque vient le temps des élections, à voter socialiste. Malgré mon adhésion récente, est-ce que je bats des mains frénétiquement à l'évocation du programme du PS? Certainement pas. Mais la probabilité que j'y dégotte ici et là des idées qui me semblent justes est infiniment plus grande qu'avec celui de l'UMP, pour prendre un exemple au hasard. Dès lors, ce qui prime dans mon choix de Ségolène Royal, c'est ma perception qu'elle est en mesure de mettre en oeuvre un programme politique dans lequel je me retrouverai un tant soit peu, ou qui à tout le moins ne me fera pas systématiquement tomber de ma chaise. Punto, basta.
Je me contrefous de savoir si Ségolène Royal est sympathique ou non. (Chirac l'est, paraît-il, énormément. C'est ce que vous confirmeront tous les Corréziens qui jadis peuplèrent les organigrammes de la Ville de Paris, ainsi que de nombreux entrepreneurs en bâtiment). Et l'exercice consistant à peser, au gramme près, ce qui dans son expression relève de la "com" et ce qui relève de la sincérité me semble d'une vacuité insondable.
En revanche il me semble fondamental de barrer la route à celui avec qui "tout devient possible", y compris faire des pieds et des mains pour être sûr de se faire photographier serrant la main de George W. Bush. Et il semble bien que Ségolène Royal en soit capable.
Mais je ne suis pas plus "ségoléniste" en 2007 que je n'ai été "lioneliste" en 2002. Au final, je me dis que, en ces temps ou un article de "Paris-Match" pèse davantage que dix éditos du "Monde" c'est mon absence quasi-totale de "ségolénisme" qui est potentiellement suspecte. Mais il va falloir faire avec.
A bientôt

jeudi 15 février 2007

Un peu de politique, pour changer

Il n'a pas fallu trop longtemps au PS pour mettre au panier l'idée d'une "contribution citoyenne" des francais résidant à l'étranger. "Trop compliqué", a jugé Francois Hollande, d'après le Canard Enchaîné (14.02.07). Pourquoi "pliqué"?
De toute facon, on a appris entre-temps que Johnny allait bientôt pouvoir être belge, ce qui lui permettra ultérieurement de résider à Monaco. C'est bien connu: le plus court chemin pour aller sur la Côte-d'Azur quand on vient de Paris, c'est de passer par Bruges ou Anvers. Comme Monaco est une espèce d'OVNI juridique qu'aucune convention internationale n'affecte, à part la libre circulation des capitaux, l'idée de coincer Johnny-le-Sarkozyste devient irréalisable, à moins d'annexer Monaco.
Exeunt, donc, le projet imbécile et le chanteur opportuniste, à moins que ce ne soit l'inverse .

Le bruit médiatique se focalise ces jours-ci sur le fait que "malgré Villepinte", Ségolène Royal se fait toujours distancer dans "les sondages" (voir http://helvetia-atao.blogspot.com/2007/02/contre-les-sondages-tout-contre.html). Petite précision: les sondages qu'on nous sert ces jours-ci ont tous été réalisés lundi. Et nos amis commentateurs de s'esbaudir en choeur sur le fait que la "stagnation se confirme". Le show de dimanche et ses retombées n'ont pas influencé l'opinion mesurée lundi, c'est un fait. Quatre ou cinq instituts différents restituent un état de l'opinion comparable pour une mesure effectuée le même jour, la belle affaire.
Le truc, c'est que tous les instituts ne fournissent pas leurs données à tout le monde en même temps. Du coup, les commentateurs confondent - et cherchent à nous faire confondre - l'arrivée successive des données avec une succession d'événements. Dans la série: "quoi de neuf aujourd'hui sur la campagne de Ségolène?", on nous sert qu'entre hier et hier, l'état de l'opinion est resté constant. C'est ce qui s'appelle de l'information.

Là-dessus on nous développe la polémique sur le "chiffrage", sur lequel ni l'UMP ni le PS n'arrivent à communiquer un message clair: 30, 35, 38, 39 milliards d'Euros? Comme quoi on a beau avoir fait l'ENA, c'est pas un job facile, la Comptabilité Nationale. Toujours est-il qu'à droite comme à gauche on arrive à des ordres de grandeur comparables, mettons 35 milliards d'Euros. Bon. Mais plutôt que de nous créer de toutes pièces un "débat" autour du fait que machin a dit 38 alors que bidule a dit 35, ne serait-il pas un poil plus édifiant de réfléchir un tantinet sur les mesures qu'on nous propose ici et là?

Moi, par exemple, ça me fatigue d'entendre Nicolas Sarkozy nous expliquer qu'en travaillant plus les français vont gagner plus, alors que des millions de personnes ne demandent que ca, travailler plus, voire travailler tout court, mais qu'il se trouve que pas mal d'employeurs préfèrent offrir des CDD à temps partiel payés à coups de lance-pierres que des CDI à temps plein qui permettent de vivre dignement. Ça me fatigue qu'il nous parle d'"immigration choisie".

- "Bonjour, je m'appelle Diallo, j'ai un emploi et des diplômes, j'aimerais bien trouver un logement abordable à Neuilly

- Ah non, Monsieur, ça va pas être possible, nos 20% de logements sociaux, on a choisi de pas les construire

- Mais pourtant, je suis un immigré choisi

- Justement, vous avez le choix: Saint-Denis, Pantin, Sarcelles, la Goutte-d'Or..."

Ça me fatigue qu'il nous explique que lui s'est battu toute sa vie pour en arriver ou il est, alors qu'il a vu le jour dans un coquet hôtel particulier de Neuilly, justement.
Alors certes "il passe bien", certes sa campagne est aujourd'hui plus "dynamique" que celle de Ségolène Royal. Mais si on arrêtait, juste un moment, de confondre les talents de communication avec la qualité des propositions, ça m'arrangerait. Ce n'est pas parce qu'une connerie est assénée avec force qu'elle devient une idée lumineuse. Enfin moi, je trouve.
Et si on se mettait à parler politique, pour changer?
Allez, tchao

samedi 10 février 2007

Quand Strauss-Kahn pète un câble

Je les entends d'ici, mes amis de droite (si si, j'en ai) : "Hin, hin, t'es d'accord avec le programme du PS, sauf quand çà touche ton portefeuille"... "Après la gauche-caviar, la gauche-fondue!"... "La contribution au bien collectif, c'est bon pour les autres"... Et qu'est-ce que je vais leur répondre, hein, dis, Ségolène, si tu intègres les recommandations de ton groupe d'experts en fiscalité (on se tutoie, entre membres du parti, c'est la règle)? Je leur dis quoi? Que je suis tout-à-fait d'accord avec l'idée de la "contribution citoyenne" alors que je n'en pense pas un mot? Ou que je suis en désaccord, et je ramasse des quolibets du genre de ceux évoqués plus haut?
Récapitulons: suite aux cafouillages de début janvier sur les ambitions du PS en matière de fiscalité, Ségolène demande à trois parlementaires PS de plancher sur le sujet et de lui remettre un rapport fissa-fissa (comme quoi elle a déjà l'étoffe d'un chef d'Etat français: "Y a une merde? Hop, une commission"). Aussitôt dit, aussitôt fait: Dominique Strauss-Kahn (lui, on connaît), Didier Migaud (rapporteur à la Commission des Finances de l'Assemblée Nationale, on le connaît moins, sauf qu'on peut en dire qu'il s'en est fallu d'une consonne) et François Marc (là, je sèche) remuent leurs méninges et, entre autres, expliquent qu'ils souhaitent "mettre en place un impôt citoyen que paieraient tous les Français même lorsqu'ils ont décidé de délocaliser tout leur argent à l'extérieur" et de "lutter contre cette manière de se désintéresser de ce qu'est la France quand on est Français".
Petite précision pour ceux qui n'ont pas bien lu le descriptif de ce blog: je vis en Suisse, et, je le dis sans honte ni fierté, j'ai un passeport francais. Je suis inscrit au Consulat de Genève, je vote aux élections nationales et, accessoirement, je fais partie du PS, Fédération des Français de l'étranger. Cela étant, si je sais lire, je comprends que je fais partie des vilains canards qui se "désintéressent de ce qu'est la France". Il est vrai que si l'on parle de la France de Jean-Pierre Pernaud, du CAC 40, de Le Pen, de Philippe de Villiers, du Tour de France et de Mireille Matthieu, pour ne prendre que ces exemples, effectivement de cette France je me tamponne allègrement le coquillard... Mais j'ai le sentiment que mon expatriation n'est pas pour grand-chose dans mon indifférence.
Nos trois experts ont eu une idée originale: faire payer une "contribution citoyenne", un impôt, donc, à tout français vivant à l'étranger. D'où leur vient-elle, cette idée? Du constat que certains de mes concitoyens pleins aux as s'installent au delà des frontières pour échapper à l'impôt national, et qu'il convient de les "rattraper par la culotte" comme l'écrivait joliment Libération.fr ce vendredi. Sans le dire, mais en le pensant très fort, ils ont en tête des gens comme Johnny Halliday qui s'exile à Gstaad six mois plus un jour par an, ou à la famille Mulliez (le groupe Auchan, c'est eux) qui s'est construit une jolie résidence principale en Belgique, à quelques kilomètres de la frontière française. Et qu'on n'aille pas m'expliquer que "non non, pas du tout, ca n'a rien à voir avec Johnny". Mon cul, oui. L'idole des ex-jeunes est un fervent soutien de Sarko et le fait savoir, ledit Sarko est à deux doigts de nous dire qu'on est face à un problème de "fuite des cerveaux" avec l'exil de Johnny, alors l'occasion est trop belle.
C'est pathétique.
Les français à l'étranger, c'est plus d'1,2 millions de personnes (statistiques 2004, source: Ministère des Affaires Etrangères - avec Douste-Blazy aux commandes, vous ne voudriez pas que ca soit à jour, non plus!). Dans le tas, combien de millionnaires ou multimillionnaires qui ont quitté le territoire pour échapper au fisc? Des Johnny, il n'y en a qu'un, encore heureux, mais mettons des Mulliez? Je ne sais pas, vous non plus, et je vous fiche mon billet que Strauss-Kahn et ses comparses n'en ont pas davantage une idée très précise . Ou s'ils ont des infos, alors leur "recommandation" est encore plus hallucinante qu'on ne puisse l'imaginer. Parce qu'assimiler l'ensemble des "expats" à des gens qui "ont décidé de délocaliser tout leur argent à l'extérieur" relève au mieux de la connerie, au pire de la mauvaise foi et de la démagogie.
Là-dessus, on nous explique que cette "contribution citoyenne" pourra être "symbolique". Ah bon. C'est combien, "symbolique", d'abord? Par ailleurs on nous dit en substance que "y a pas de raison, être français présente des avantages, on ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre". Enfin, argument suprême, on nous fait remarquer que d'autres pays pratiquent ce genre de fiscalité, notamment la Suisse et les Etats-Unis.
Reprenons:
  • On nous parle de "contribution citoyenne", j'aimerais qu'on m'explique. Cette contribution, elle se fonde sur mes revenus avant ou après impôts (suisses, en l'occurrence)? J'attire l'attention de mes camarades Dominique, Didier et Francois sur le fait que quand on ne s'appelle ni Johnny Halliday ni Michael Schumacher (qui payent un forfait négocié), en Suisse l'impôt sur le revenu est un des plus élevés d'Europe. Alors dites-moi vite, que je me fasse une idée du prix du "symbole"
  • Il semblerait qu'étant français je bénéficie d'avantages que me prodigue la collectivité, sans y contribuer par l'impôt. Je ne sais pas pour les autres, mais "chez nous", en Suisse Romande, les deux consulats ont été ramenés à un seul, pour faire des économies. Par ailleurs, pour que mes enfants puissent avoir un cursus scolaire français, je dois les mettre dans une école privée (un établissement géré par des bonnes soeurs, de surcroît) qui ne touche que des clopinettes de la République. Et, du coup, dépenser des fortunes.
  • S'il s'agit de piquer des idées chez les Suisses ou les Américains, faut pas s'arrêter à l'impôt sur les "expats". Empruntons-leur également, tant qu'on y est, leurs systèmes de couverture Santé: entièrement privés, paye ou crève, çà aussi c'est vachement malin, çà évite aux riches bien-portants de payer pour les malades pauvres, chacun pour soi et la loi du marché pour tous

Alors disons-le tout net: cette idée de "contribution citoyenne" me sort par les yeux, et pas seulement parce que je risque de passer personnellement à la caisse.

D'abord, ce truc pue l'opportunisme à plein nez, c'est de la "justice sociale" à deux balles. Evidemment, nous avons beau être relativement nombreux, nous les "expats", que pesons-nous électoralement? Pas grand-chose, en tout cas moins que tous ceux qui pourront être convaincus que tous les francais vivant à l'étranger sont des "Johnny" potentiels ou réels.

Ensuite, ce "machin" est très certainement impraticable. Comment l'administration fiscale, qui peine déjà à recouvrir l'impôt sur le territoire, va-t'elle soudainement se transformer en pompe à fric implacable hors des frontières? La Suisse et les Etats-Unis le font, certes. N'empêche que leurs fonctionnaires, n'en déplaise à mes compatriotes, sont un peu plus efficaces que les nôtres, même si ce n'est pas un exploit.

Enfin, en admettant que cet impôt soit légitime, j'aimerais savoir:

  • Combien on espère qu'il rapporte, une fois déduit ce qu'il en coûtera à la collectivité de le percevoir (la France est championne d'Europe en matière de coût de collecte des impôts)
  • A quoi exactement cette "contribution citoyenne" est sensée servir, même si je ne me fais pas d'illusion (en France, l'affectation des recettes fiscales est une "black box")

Soyons clairs: je ne suis pas de ceux qui expliquent qu'il est bien normal qu'on quitte le territoire français parce qu'ailleurs on y est moins "contraint", que la France souffre de "rigidités", et toute cette sorte de choses. Et je me contrefous que les Mulliez échappent au fisc et, du coup, ne financent pas les jolies routes nationales qui desservent leurs hypermarchés. J'attache davantage d'importance à la manière dont ils traitent leurs salariés, leurs fournisseurs, et l'esthétique des abords de nos villes. Là, y aurait des trucs à dire et à faire. Mais j'entends n'être pris ni pour un con, ni pour un profiteur parce que les hasards de la vie professionnelle m'ont amené à quitter la France.

Malgré celà, au risque de m'en prendre plein la tronche, je continuerai à dire à mes copains de droite que je voterai Ségolène Royal. Parce qu'au delà de mes convictions, qui m'imposent ce choix, je suis persuadé d'un truc: le jour ou ce dossier vient sur la table, on peut compter sur les fonctionnaires de l'administration des Finances - sans compter ceux des Affaires Etrangères - pour expliquer que oui, bon, d'accord, mais faudrait plus de moyens, plus d'effectifs, et des salaires plus élevés, faute de quoi çà va pas être possible. On parie?

Allez, salut.

jeudi 8 février 2007

Contre les sondages, tout contre

Les journalistes et commentateurs politiques, de quelque bord qu'ils soient, manifestent le plus souvent un éloignement de bon aloi à l'égard de leurs sujets d'analyse. Bien sûr, ils ont leurs préférés, et souvent ne s'en cachent pas. Par ailleurs les uns et les autres entretiennent des relations régulières avec le monde politique - déjeuners, dîners, voire plus, si affinités - au point, parfois, de se laisser gentiment instrumentaliser (voir, à ce sujet, l'excellent dossier du "Nouvel Observateur" d'il y a trois semaines). Mais au final, sur la forme du moins, ils se posent en spectateurs, voire en critiques, d'un spectacle qu'ils se font fort de décoder afin "d'éclairer l'opinion".
Notons au passage que ce faisant ils oublient, volontairement ou non, que leur "décodage" fait lui-même partie du spectacle, voire en constitue l'essence même. Illustration: l'une des tartes à la crème du moment consiste à rappeler que Nicolas Sarkozy "communique bien", qu'il "maîtrise les médias". Il parle clair et fort, soit. Et ce d'autant mieux qu'on évite les sujets qui pourraient le fâcher, le pauvre chat, comme les chiffres de la délinquance, ses engagements sur le capital de GDF, etc... Bref, ce type sait très bien répondre aux questions dont il apprécie qu'elles lui soient posées. Et, surprise, on les lui pose. Quand on ne se contente pas tout simplement de lui tendre un micro. Du coup, ce qui n'est que le résultat d'une connivence bien organisée devient un fait politique ("il passe bien") relaté en tant que tel.
Quoiqu'il en soit, feinte ou réelle, légitime ou non, il y aura dans le commentaire, l'analyse du discours et des actes des politiques, une mise à distance raisonnable du sujet.

En revanche, cette distance est nulle dès lors que sont évoqués les résultats des sondages.
Ah, les sondages!
De quoi s'agit-il, en fait? Toutes les semaines, en ce moment, des sociétés spécialisées interrogent de 800 à 1000 personnes âgées de 18 ans et plus (en âge de voter), sélectionnées afin que dans leur ensemble elles reflètent, proportionnellement, l'ensemble du corps électoral: ce qu'il faut d'hommes, de femmes, de jeunes, de vieux, de fauchés, de pétés de thune etc... selon des quotas précis croisés entre eux, en prenant pour référence le dernier recensement disponible de l'INSEE. Par téléphone, via internet ou en face-à-face, on demande à ces gens, donc, pour qui ils voteraient "si l'élection avait lieu dimanche prochain". Puis le plus souvent, on leur demande ensuite ce que serait leur choix en cas de deuxième tour X contre Y, ou X contre Z, Z contre W, etc... Après, on compte combien de personnes ont répondu quoi, on divise par le total, et çà donne un pourcentage. Jusque là, tout va bien.

Ensuite, on va creuser un peu: on va croiser ces réponses avec les caractéristiques des individus: homme, femme, etc... mais aussi avec les réponses à d'autres questions: "De quel parti vous sentez-vous le plus proche?" et, plus croquignolet, "Pour qui avez-vous voté au premier tour de la présidentielle / des législatives de 2002?". Et c'est là qu'on commence à rigoler. Parce qu'ici interviennent ce qu'on appelle les "redressements".
Redresser, c'est quoi? C'est, d'une part, transformer le boulot qu'on a fait en boulot qu'on aurait dû faire. Exemple: d'après mes quotas, j'aurais dû interroger 27 agriculteurs âgés de 45 à 55 ans. Manque de bol, les enquêteurs n'ont pu en trouver que 18 acceptant de répondre à mes questions, ce coup-là. Qu'à celà ne tienne: je multiplie leurs réponses par 1,5, et hop, tout va bien. A priori, si ce genre de tour de passe-passe n'est opéré qu'à la marge, c'est au final une démarche plutôt saine (on va pas faire toute une histoire pour neuf malheureux bouseux, quand même). Mais redresser, d'autre part, c'est aussi "corriger" les réponses. Je m'explique: imaginons que 12% des personnes interrogées déclarent aujourd'hui avoir voté Jean-Marie Le Pen au premier tour de 2002. Tout le monde sait qu'il a fait un peu plus de 17%. Dès lors, amnésie ou refoulement, on constate que le vote Le Pen est "sous-déclaré". On procède alors à une "correction" des intentions de vote pour 2007. Dans ce cas précis, on multipliera les intentions déclarées par 1,41. Et on procédera de même, à la hausse ou à la baisse, avec tous les candidats sur lesquels on constate des écarts entre le souvenir et la réalité du passé, présidentielles ou législatives selon les cas. Çà ne marche évidemment qu'avec ceux pour lesquels il y a un historique ou un parti longuement établi. Pour José Bové, c'est plié: on peut s'attendre à de fortes variations dans les intentions de vote, vu qu'il n'y a pas moyen de les "corriger".
La nature et l'ampleur de ces redressements, bien sûr, varient d'une vague d'enquête et d'un institut de sondage à l'autre. Et relèvent d'une "cuisine interne" que lesdits instituts se gardent bien de rendre publique, même sous la torture. Et dont ils ne s'échangeront pas les recettes, concurrence oblige.
Pour compléter le tableau, signalons que toute mesure effectuée auprès d'un échantillon, aussi "représentatif" soit il, est sujette à incertitude. Toute donnée issue d'un sondage est "vraie" à l'intérieur d'une fourchette probable. Pour faire simple: 11%, dans certains cas, c'est peut-être 10, 11 ou 12%, on n'en est pas sûr. Ce dont on est sûr c'est que c'est plus que 9 ou moins que 13.

Dès lors, sans hurler à la manipulation ou au complot - après tout, l'étude de l'opinion est une science humaine, et il y a une rationalité derrière tout ça - l'attitude la plus raisonnable à adopter face à un sondage politique consiste à le traiter comme un reflet plus ou moins fidèle de la réalité de l'opinion, pour autant qu'une "intention de vote si l'élection avait lieu dimanche prochain" (en vrai elle a lieu bien plus tard, on dit, c'est pour d'la fausse) puisse être considérée comme une "opinion". Disons qu'un sondage enregistre - en acceptant la légitimité des redressements de toute sorte, c'est dur à avaler, des fois - un ensemble de préférences probables à un instant t, parmi une population qui, elle-même, est un reflet fidèle de l'ensemble du corps électoral. Ni plus, ni moins.
Face aux "tendances" (machin monte, trucmuche baisse) ou aux classements (oulala, trucmuche est derrière machin chez les agriculteurs) , la moindre des précautions est de vérifier qu'on a affaire à un vrai mouvement ou une vraie hiérarchie, c'est-à-dire au delà de la zone d'incertitude naturelle.

Tout cela, les journalistes et commentateurs politiques le savent. Sinon, le mieux qu'ils aient à faire est de changer de métier. Dès lors, compte tenu de l'enjeu - il s'agit, après tout d'une élection dont le résultat affecte la vie du pays pour les cinq ans à venir - on pourrait s'attendre de leur part à un certain recul par rapport aux résultats des sondages d'opinion. Bien sûr, on lira ou entendra ici et là :"On sait bien ce que valent les sondages...", ou "ce n'est qu'un sondage..." mais ce ne seront là que précautions oratoires, voire raclements de gorge qui précèdent le discours. Parce que dans la foulée on ajoutera "... il n'empêche que machin a perdu un point par rapport à la semaine dernière/au mois dernier".

A partir de là, on commentera cette "baisse":
  • en passant en revue les divers "événements" de la semaine à savoir, dans la plupart des cas, les "petites phrases" prononcées par machin ou ses concurrents (sous la pression amicale des journalistes, mais on s'abstiendra de le préciser)
  • en développant un ensemble de considérations subjectives sur la personnalité, le parcours, les motivations de machin

Le tout n'ayant généralement qu'un rapport très lointain avec ce que disent les chiffres, pour autant qu'ils disent quelque chose.

Le même commentateur pourra par ailleurs un peu plus tard, dans un éditorial, philosopher sur la vanité des sondages et l'aveuglement qu'il entraîne chez certains politiques "qui ont les yeux rivés sur leur cote de popularité". Alors que les journalistes, eux, bien sûr, savent bien qu'il y a des choses plus importantes.

Un bon journaliste ou commentateur politique se doit d'être contre les sondages. Tout contre. Parce qu'à défaut de fournir une information nouvelle ou fiable, ils constituent des "faits" qui permettent de démarrer une histoire, du genre "la campagne de Ségolène Royal souffre d'un manque de lisibilité" ou "Bayrou, quand l'obstination paie". Ou de la conclure: "gnagnagna, les francais ne s'y trompent pas, puisque machin perd un point par rapport à la semaine dernière". Ca fait plus sérieux, en même temps ça sécurise la dimension "people/course de chevaux" de l'analyse politique. Immense avantage: ça évite de se coltiner des tâches pénibles comme lire un programme, le confronter à ce qu'on a compris des problèmes à résoudre, et interroger le candidat en conséquence.

Bref, les sondages, c'est techniquement un peu compliqué. Mais si on l'oublie, ça rend la vie des journalistes plus facile, et arrête de nous emmerder avec ton débat démocratique.

A bientôt

vendredi 2 février 2007

Bayrou, le Centre adroit

De sondages en commentaires médiatiques (les uns entretenant avec les autres une relation des plus douteuses, comme promis il y a quelques jours nous en reparlerons), le "buzz" du moment c'est la montée dans l'opinion de Francois Bayrou: le "troisième homme" si l'un d'entre eux n'était pas une femme, à moins qu'on ne compte Le Pen, du coup ça fait quatre, je m'y perds, passons.
Réalité ou "bruit", comme disent les statisticiens, il faut dire que moi aussi je le "sens" dans l'opinion, le Bayrou, en ce moment. Il a pour lui cette espèce de vertu que constitue la constance poussée jusqu'à l'obstination, en ces temps ou les politiques ont la réputation de changer d'opinion tous les trimestres. Une constance qui consiste à marteler imperturbablement un message articulé autour du triptyque:
  • "Je veux rassembler les talents d'où qu'ils viennent", le côté centriste
  • "Ce qui est important, c'est de régler le problème de la dette/de l'éducation", genre: on n'est pas là pour rigoler, moi au moins j'annonce la couleur
  • "Je suis une alternative crédible au duel Ségo-Sarko qu'on cherche à vous imposer", la "soft rebel touch", ou le frisson raisonnable

Le tout pimenté de charges contre les médias et les "puissances de l'argent", le genre de truc qui crée des aspérités dans le message, comme disent les publicitaires. En effet, ce type vient d'un parti classé à droite, a participé à des gouvernements de droite, et revendique l'héritage de Giscard d'Estaing. Or la droite parlementaire en France a une solide tradition de connivence avec le grand patronat, à l'exception peut-être de De Gaulle. Du coup, ses coups de gueule savamment distillés contre les milieux économiques et leur influence lui permettent de se démarquer de Sarkozy, dont un frère préside la Fédération du Textile au MEDEF. Et, du coup, de se "créer un espace", sachant qu'il est entendu pour tout le monde qu'il n'est pas à gauche. Le recentrage, ça s'appelle.

Enfin - c'est davantage de l'ordre du packaging, mais ça compte - il cultive une iconographie de sa personne le représentant en "pas riche-riche, mais paysan aisé", bottes "Aigle" dans la terre Béarnaise, pantalon de velours côtelé et veste "Barbour" un peu usée jetée négligemment sur les épaules, sur fond de campagne embrumée au petit matin. On a beau dire, un poil de ruralité mais pas trop, ca vous donne un petit côté authentique: ça plaît inconsciemment, en France, même en 2007.

Dans un paysage politique pollué par les communicants de tout poil (journalistes inclus) qui cherchent à vous faire prendre des affairistes pour des philanthropes et des bolcheviks pour des humanistes, ou l'affrontement préprogrammé PS/UMP finit par lasser après six alternances, ce cocktail s'avère être payant dans l'opinion. D'autant qu'il faut bien l'admettre, ce Monsieur n'a pas seulement l'air sincère: il l'est, à n'en pas douter. A cela s'ajoute la sympathie que suscite un type que beaucoup de ses amis ont trahi (remarquez, perdre l'amitié de Philippe Douste-Blazy, on doit quand même vite s'en remettre).

Il y a quand même trois choses qui coincent, à mes yeux, chez Bayrou.

  • La première, c'est le centrisme, justement. En admettant qu'il se fasse élire président et que, comme promis, il forme une "dream team" avec ce qui se fait de plus compétent, de plus honnête à droite et à gauche. (Par exemple: Jean-Luc Mélenchon à l'Economie et Christine Boutin à l'Education Nationale. Mais non, je déconne). En admettant que, du coup, il réduise au silence le "faux débat PS/UMP", comme il dit. Et sous l'hypothèse, plutôt vraisemblable, que la situation économique et sociale et l'idée que s'en fait l'opinion ne s'améliorent pas du jour au lendemain, qui retrouve-t'on, dans l'opposition, et donc comme alternative? Le Pen. Plus, bien sûr, la "gauche de la gauche", dont on connaît les capacités à s'organiser, à faire des propositions intelligentes, et à séduire les électeurs, surtout.
  • La deuxième, c'est qu'aussi sincère qu'il soit, le Bayrou, dans sa volonté de se situer à égale distance du PS et de l'UMP et de "casser le système", on peut douter que les élus - et les électeurs traditionnels - de son parti soient vraiment derrière lui de ce point de vue. L'UDF, on aura du mal à m'ôter de l'idée que c'est de droite. Mais je le jure: si, à l'heure des législatives, on compte autant de désistements réciproques UDF-PS qu'UDF-UMP, je retire ce que j'ai dit. En attendant, lorsqu'on demande à Bayrou pour qui il appellerait à voter dans l'hypothèse d'un 2ème tour Royal-Sarkozy, il répond: "Je ferai tout pour qu'on n'en arrive pas là", fermez le ban, question suivante. OK, mais si malgré tous tes efforts on en arrive là quand même, hein, dis, imaginons, on ne sait jamais, des fois? Une vraie réponse de centriste, ça serait: "J'examinerais leurs propositions respectives, et je choisirais de soutenir celui ou celle qui porte les idées qui me paraissent le plus justes pour la France". Oui mais voilà: ça laisserait entendre aux électeurs UDF qu'il y a du bon à prendre au PS, et que donc ça fait des années qu'on les prend pour des cons, à les faire jouer les supplétifs pour les gaullistes. Moi, je serais UDF, j'aimerais pas.
  • La troisième, c'est le côté catho du bonhomme. En ces temps ou les bigots de toute espèce redressent la tête, je n'aime pas trop l'idée de mettre à la tête d'un État qui se veut - et se doit d'être - neutre et vigilant face aux religions, quelqu'un qui affiche aussi ouvertement ses croyances. N'oublions pas que ce Monsieur, lorsqu'il était à l'Education Nationale a voulu réformer la Loi Falloux, et permettre aux collectivités locales de financer tout à leur aise les établissements scolaires privés (cathos, dans leur grande majorité), au détriment des établissements publics. Moi, j'aimerais bien que les journalistes le cuisinent un peu plus sur des trucs comme l'avortement, la culture des cellules-souche, et la part que peut prendre l'enseignement confessionnel en France. Juste pour voir, comme ça.

Bref: je veux bien admettre qu'il y ait des raisons objectives - et peut-être durables - à ce que l'hypothèse Bayrou devienne de plus en plus crédible. Mais il faut appeler un chat un chat, et un berger pyrénéen un chien sympa dont la raison d'être consiste à s'occuper de moutons. Bayrou, même éventuellement contre sa volonté, c'est la droite, basta. Il n'y a pas de mal à ça, mais qu'on arrête de nous parler de troisième voie.

"Le Centre, mon cul", aurais-je tendance à conclure, mais ça détonnerait, au milieu de ces textes plein d'élégance. Quoique.

Allez, à la prochaine.

jeudi 1 février 2007

Numéro 5, le parfum de la France Invisible

Aujourd'hui s'est produit un événement politique d'une ampleur considérable. Il y aura un avant, et un après. La France s'ébroue, parcourue d'un frisson qui bouleverse son corps engourdi. Enfin la France, pas toute la France. Juste la France invisible. Si vous êtes visible, vous n'êtes pas concerné. Moi, par exemple, je crois bien que je le suis. Quoique: l'autre jour, un copain m'a dit: "Tiens, salut, ça fait longtemps que je ne t'ai pas vu". Si ça se trouve, en fait, des fois je suis visible, et des fois pas... je serais donc concerné par cet événement de façon intermittente.

Venons-en au fait: José Bové se présente à l'élection présidentielle. Et il déclare: "Je suis le candidat de la France invisible". Pour ce qui me concerne, ca fait du monde: bien sûr je connais pas mal d'électeurs français (certains de vue, seulement, remarquez), mais quand je compare à tous ceux que je n'ai jamais vus! Là c'est sûr, c'est la victoire dès le premier tour, recta. Évidemment, tout le monde n'a pas mon point de vue...

Ah, il en aura fallu , du temps, avant que n'émerge enfin cette candidature que toute la Gauche de la Gauche attendait. Cette figure majeure qui va cristalliser les espoirs de l'innombrable foule anti-libérale, alter-mondialiste, noniste, écologiste, Le-Monde-Diplomatiste. Cohorte dont il faudra évidemment soustraire ceux dont l'espoir s'est déjà cristallisé sur Arlette Laguiller. Soustraire aussi ceux qui sont plutôt motivés par Olivier Besancenot. Sans oublier ni ceux dont les rêves sont portés par la candidature de Marie-George Buffet, ni les Verts inconditionnels de Dominique Voynet. Enfin déduire, bien sûr, les salopards, les traîtres, ceux qui voteront pour la Gauche bourgeoise, sociale-libérale, qu'on finira bien un jour par identifier et par pendre, mais bon, pour l'instant c'est pas possible. Restent donc tous les autres, difficiles à dénombrer à l'heure ou j'écris ces lignes. Auxquels s'ajouteront des sympathisants d'autres mouvances, que l'homme du Larzac ne manquera pas de rallier. Solde net = la France invisible.

Évidemment, il reste le détail des 500 signatures à obtenir. C'est ça le problème avec la Démocratie Bourgeoise: des règles tatillonnes, le droit, la loi des grands nombres... Par ailleurs, une légère contradiction à gérer: comment concilier le mépris de la démocratie représentative - qui va de pair avec la valorisation de l"initiative citoyenne" et de la "société civile"- avec l'idée de s'y soumettre par le biais d'une candidature? La remarque est encore plus vraie, notez, pour les authentiques léninistes que sont Arlette et Olivier. La réponse est simple: les élections, c'est comme un sondage, mais en vrai. Plutôt que d'évoquer des pourcentages, on parle des "centaines de milliers d'électeurs qui ont dit non". Et on compare avec les copains: "C'est moi qu'en ai le plus, tralala, c'est moi la-Gauche-de-la-Gauche, et bisque-bisque rage" -"M'en fous, moi j'en ai plus que toi chez les ouvriers, d'abord, c'est ca qui compte"- etc... Ça occupe les "collectifs" jusqu'à l'élection suivante entre deux manifs, c'est toujours ça de pris.

José Bové, cinquième candidat unique de la Gauche-de-la-Gauche, lui, a trouvé un truc imparable par rapport aux quatre autres, et c'est en cela que sa candidature constitue un événement: le coup de la France invisible. S'il fait un bon score, c'est-à-dire supérieur à celui de ses concurrents, il pourra dire: "Grâce à moi, on les voit". S'il fait un score moyen ou faible il dira: "Évidemment, on peut pas les voir, ils se cachent, ils ne votent pas. Sinon c'aurait été pour moi, vous pensez bien". Reconnaissez que c'est futé. Rien que pour ça, il mérite de se présenter. Amis élus, un bon geste, signez pour lui. Visiblement.

A bientôt.