J'ai fini par me faire une raison: s'insurger contre l'inanité de l'"actualité politique" en soulignant l'appétence démesurée des journalistes pour les petites phrases et l'incorrigible propension des hommes et femmes politiques à en produire, c'est se fatiguer pour rien. Tout cela relève de la problématique de la poule et de l'oeuf et la dénonciation de cet état de fait de la tarte à la crème, en définitive. Ma capacité d'indignation s'émousse: les politiques ont les journalistes qu'ils méritent, et inversement. Dans ce flot ininterrompu, où le trivial côtoie le dramatique, à vous, à nous de faire le tri.
Nonobstant il n'est pas interdit de se délecter, ne serait-ce qu'un temps, des insondables futilités du "débat". Ses soubresauts les plus récents portent sur la révélation, par "Libé", de propos tenus mercredi dernier par le Président de la République au sujet de ses homologues: Barack Obama manquerait d'expérience, Angela Merkel se serait, in fine, "ralliée" à la clairvoyance de l'hôte de l'Elysée, Barroso n'en aurait pas foutu une au G20 et surtout, le
pompon: partant en vrille sur l'air de "l'important c'est d'être élu", Sarkozy juge que "Zapatero, il n'est peut-être pas très intelligent, mais...". Ces amabilités ont bien évidemment été relevées par la presse étrangère, notamment américaine, qui a fini par se rendre compte de ce que pas mal de Français ont remarqué depuis un moment: Nicolas Sarkozy ne manque pas une occasion de se comporter comme un gougnafier. Au passage, l'incident ravive un cliché qui colle aux basques des Hexagons: les Français ont de grandes gueules, sont arrogants et se croient plus intelligents que tout le monde. C'était il y a quelques mois, mais il est déjà loin le temps où "Time" faisait l'éloge du président français - lire ici-même - sous la plume du gentil Tony Blair. A deux reprises, les Américains avaient élu une caricature d'Américain: inculte, ignorant du reste du monde, bigot comme pas deux, va-t-en-guerre et sûr de lui. Le 6 Mai 2007, les Français se sont à leur tour choisi une caricature de Français. Les Italiens ne sont pas en reste, mais c'est (presque) une autre histoire, chacun sa merde.
Nonobstant il n'est pas interdit de se délecter, ne serait-ce qu'un temps, des insondables futilités du "débat". Ses soubresauts les plus récents portent sur la révélation, par "Libé", de propos tenus mercredi dernier par le Président de la République au sujet de ses homologues: Barack Obama manquerait d'expérience, Angela Merkel se serait, in fine, "ralliée" à la clairvoyance de l'hôte de l'Elysée, Barroso n'en aurait pas foutu une au G20 et surtout, le

Oui mais voilà: nous sommes en démocratie, et il y a ce qu'on appelle une opposition. Oh, on ne peut pas dire que sa composante théoriquement la plus crédible le soit, justement, crédible. Le PS n'en finit pas d'éteindre ses petits incendies, sur les braises desquelles soufflent avec jubilation les journalistes politiques, mais on ne va pas revenir là-dessus, voir plus haut. N'empêche que s'exprime régulièrement, de ce côté, une vive réprobation des dérapages verbaux plus ou moins contrôlés de Nicolas Sarkozy. A ce petit jeu excelle Ségolène Royal, désormais satellisée mais qui veut à tout prix exister. Depuis son échec (d'un poil, mais quand même) au congrès de Reims elle va, se promène de par le monde et s'est dégotté une posture: elle sera "la voix" des 47%-de-Français-qui-ont-voté-pour-elle-et-qui-n'en-peuvent-plus. Certains commentateurs parlent d'une "présidence-bis", à l'image des shadow cabinets d'outre-Manche. Ah mais attention, et c'est là qu'intervient sans doute la patte de sa "communicante" attitrée, Sophie Bouchet-Petersen: cette "voix" sera le contre-champ exact de la présidence Sarkozyenne. Nicolas est volontiers grossier ("casse-toi, pauvre con"), Ségolène ne s'exprimera qu'en termes polis. Nicolas semble se contrefoutre de la misère des gens, Ségolène sera ostensiblement compatissante.
Avant-dernier épisode en date: à Dakar, Ségolène demande "pardon" au nom de la France: pour l'esclavagisme, pour le colonialisme et, last but not least, pour le discours de Nicolas sur l'"homme Africain qui n'est pas assez entré dans l'Histoire", discours écrit par Claude Guéant (comme quoi il n'est pas toujours judicieux de faire confiance à un "nègre"). Dernier épisode, qui nous ramène à ce qui précède: Ségolène présente ses "excuses" à Jose-Luis Zapatero suite aux propos de Nicolas rapportés par "Libé".
Laurent Joffrin écrivait ce matin dans ce même journal que "Nicolas Sarkozy [s'était] débarrassé depuis
longtemps de son surmoi". Je crois personnellement que c'est faux: il ne s'en est pas débarrassé, il a opéré un "transfert" de ce surmoi sur la personne de son ex-adversaire Ségolène Royal, grâce à un petit coup de pouce de Sophie Bouchet-Petersen. C'est qu'elle a du métier, Sophie: Ségolène avait pu souffrir auparavant d'une image d'incompétence, d'activisme un peu brouillon. De même qu'on a remplacé la Générale des Eaux par Vivendi et Elf par Total, Sophie nous a transformé la "nunuche" en fayote. Car somme toute, c'est bien de celà qu'il s'agit: Ségolène, désormais, c'est un avatar du Schtroumpf à lunettes: "Nicolas il a dit çà, moi je trouve que c'est pas bien, c'est malpoli pis d'abord c'est pas vrai. Je vais le dire aux Français, ils vont le punir et ça sera bien fait pour lui". Oui, en l'occurrence, pas de maître d'école ni de Grand Schtroumpf, c'est à l'opinion, à vous, à moi, que la fayote entend dénoncer les agissements du gougnafier. Espérant, ce faisant, qu'on s'en souvienne en Mai 2012. Au Jugement Dernier, en quelque sorte. Par la grâce d'une "experte" en communication et, sans doute également, du fait d'un tropisme Ségolénien, les Français seraient sommés de choisir entre la princesse Leia et Darth Vador.

Tout cela serait pathétique si ce n'était pas stupide, ma pauvre Sophie. Car au fond, c'est peut-être regrettable, mais une connaissance même vague de la nature humaine oblige à le constater: de même que le Schtroumpf à lunettes déclenche régulièrement des envies de meurtre chez ses congénères, la classe préférera toujours ricaner des blagues de mauvais goût du sale gamin du fond que de faire écho aux récriminations d'une première de la classe auto-proclamée. Nicolas Sarkozy peut bien dire des gros mots en public, véhiculer les pires lieux communs d'une mentalité coloniale, insulter ses homologues chefs d'état ou de gouvernement, bref en rajouter dans un côté va-de-la-gueule bien franchouillard: il y a de fortes chances, délicieux frisson de la transgression, qu'un grand nombre de ses concitoyens ne lui en tienne pas rigueur, bien au contraire, sans forcément se l'avouer. Son "surmoi" réprobateur peut bien s'agiter, en fin de compte de nombreux Français s'en foutent. Voire s'énervent: "Pff, qu'est-ce qu'elle est chiante, celle-là, pour une fois qu'on rigole".
D'une actualité politique qui verrait s'opposer les projets plutôt que les gesticulations, ils se foutraient sans doute moins, on peut toujours rêver. Mais en ce paradigme Sarkozyen, qui fait de Besancenot la seule alternative "visible" et de Berlusconi un modèle à suivre, un tel affrontement relève de l'utopie. A défaut, on devra se contenter du combat de la fayote et du gougnafier.
Ciao, belli