- Le Parti Communiste est avant tout une organisation au service d'un projet, indépendamment du poids des idées qu'il représente dans l'opinion, et à ce ce titre non seulement anti-démocratique, mais a-démocratique. Les électeurs peuvent aller et venir, l'appareil reste (aujourd'hui le PCF n'est plus que ça, d'ailleurs: un appareil), quels qu'en soient les dirigeants. Le Front National au contraire, en tant que structure, n'est qu'une construction de circonstance, liée aux succès électoraux, qui n'existe que par et pour son chef
- On a beau vouloir s'affranchir du "politiquement correct", tendre publiquement la main à Jean-Marie Le Pen, à Bruno Gollnisch, ça la fout un peu mal. Et puis soyons honnête, Nicolas Sarkozy est très certainement profondément allergique à l'idéologie de l'un et de l'autre
Le patron de l'UMP a donc entamé - et partiellement réussi - un accaparement du vote Frontiste par le bas, en multipliant les références dans son discours à un certain nombre de "fondamentaux", en substance: les étrangers qui "n'aiment pas" la France n'ont qu'à s'en aller, il faut préserver l'"identité nationale" d'une immigration qu'on ne contrôlerait pas, les criminels "ont çà dans le sang".
Comme suggéré plus haut, les coups de gueule récents de Sarko et son entourage sur la "campagne de diabolisation" relèvent exactement de la même stratégie: créer une connivence avec l'électorat Frontiste. En effet si on le "diabolise" comme on a diabolisé Le Pen, c'est bien que le premier est une alternative crédible au second.
Alors "Sarko, facho"? Si la Gauche se contente de ce genre d'argument, elle va droit dans le mur, comme la Droite lorsqu'elle annonçait, en 1981, l'arrivée des chars soviétiques sur les Champs-Elysées en cas de victoire de Mitterrand.
Le fait est, cependant, que l'intégration d'éléments frontistes dans le "logiciel" UMP ne se fera pas impunément. Pour rompre idéologiquement de façon durable avec le PCF, il a suffi au PS d'afficher son accord avec les principes de l'économie de marché et d'en assumer un certain nombre de conséquences. C'est pas facile pour tout le monde (cf les nostalgies marxisantes d'un Mélenchon ou d'un Emmanuelli), mais le clivage est clair. Il sera plus difficile en revanche à Sarkozy, s'il est élu, de débarrasser son discours et celui des ses partisans de considérations plus ou moins vaseuses sur l'"identité": ou s'arrête la "fierté nationale", ou commence la xénophobie? Pas toujours évident à déterminer. Dès lors, tel le sparadrap du capitaine Haddock, le substrat "identitaire" risque de coller aux doigts de Sarko et des ses lieutenants pour un moment.
L'une des clés du succès du Front National, c'est d'avoir émis un discours en filigrane, tout de clins d'oeil et de sous-entendus. Bien sûr il y a eu le "détail", le "constat" que "les Noirs sont les meilleurs à la course à pied", et autres choses de ce genre. Mais ces sorties sont davantage à mettre au compte de la personnalité de Le Pen (on ne se refait pas) qu'à un "programme" diffusé "en clair". Et ces déclarations ont pu s'avérer contre-productives, car on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment, comme disait je ne sais plus qui (c'est du Mitterrand, à tous les coups). C'est également vrai pour le processus de "digestion" du lepénisme par la Droite républicaine: l'ambiguïté sur les convergences réelles ou potentielles avec les idées du Front National sera maintenue aussi longtemps que possible.
Là est sans doute la vraie "rupture" Sarkozienne avec le Chiraquisme: couvrir tout le "champ" de la pensée de droite, sans exclusive. Michel Noir s'était rendu célèbre en disant qu'il préférait "perdre une élection que perdre son âme". Sarkozy ne s'encombre pas de telles considérations d'ordre métaphysique. C'est un pragmatique: il préfère perdre quelques électeurs de Centre-Droit que les élections.
On pensait qu'on avait atteint des summums du cynisme en politique avec les deux derniers Présidents de la République. Et bien non. En fait, on n'avait pas encore vu le plus beau.
Allez, tchao.