vendredi 19 octobre 2007

L'Europe par le bas

J'avoue que je n'ai pas bien suivi les détails des discussions menées par l'agité de l'Elysée afin de faire adopter par les 26 autres pays de l'Union son idée d'un "Traité simplifié". Mea culpa. Voici ce que j'en ai toutefois compris...

Au départ le constat, d'évidence, du blocage des institutions suite aux refus exprimés par référendum par les français et les hollandais - dans le contexte d'un élargissement aussi bien anticipé que l'après-Saddam par l'administration Bush -et de la nécessité d'en sortir.

Fil conducteur de la réflexion Sarkozyenne: pas la peine de refaire la copie et de la soumettre de nouveau au suffrage du peuple, çà prendrait bien trop de temps et puis, admettait-il benoîtement, "les français ont déjà dit non" alors le plus simple était de ne plus leur poser la question.

A l'arrivée: un "truc" qui apparemment modifie les règles de décision, redéfinit le nombre de commissaires par pays, et qui institue une présidence stable pour l'Union. Le tout a été signé la nuit dernière, et la chambre bleu-UMP est instamment priée de nous ratifier tout çà avant décembre, comme çà c'est fait c'est plus à faire et hop, on passe à autre chose.

Bon.

Tiens, au fait, Cécilia et Nicolas, c'est fini / Ouah, eh l'autre, eh, on s'en fout!

Beau succès pour Nicolas, clame la Droite. Pensez-donc: par la seule force de la volonté de son génial Président, la France "débloque l'Europe", rien que çà. "Le triomphe de la volonté", serait-on tenté d'éditorialiser au "Figaro", si l'expression n'avait déjà été utilisée par Leni Riefenstahl à propos du congrès nazi de Nuremberg, en 1935.

De fait, ce traité devrait quelque peu fluidifier le processus de décision au sein des 27. Enfin, pas tout de suite, tout de même: les polonais ont obtenu que la règle de décision à la majorité qualifiée ne s'applique qu'en 2017, voire 2019. Autant dire qu'on a le temps de voir. Çà devrait permettre aux jumeaux hydrocéphales à la tête de ce pays d'éviter qu'une quelconque décision européenne ne vienne contrarier leur belle législation anti-avortement avant longtemps. Le Vatican respire.

Pour négocier, c'est comme pour faire l'amour ou la guerre, il faut être au moins deux, m'objectera-t-on. En l'occurrence on est vingt-sept donc, forcément, aucune chance qu'un seul des participants ne soit pleinement satisfait. C'est la culture du compromis. Et vaut mieux çà que rien du tout, et gna gna gna.

Non, mais j'déconne pas: divorce par consentement mutuel / Et alors? On s'en tape, qu'on te dit!

Le problème c'est que, justement, il faille "négocier" à vingt-sept. Le problème, c'est cet élargissement, uniquement motivé par la perspective d'un "grand marché" au détriment d'une construction politique supranationale, un "grand marché" qui se fout de la volonté politique des peuples et qui se contente de leur consommation. A ce sujet, un grand merci à Lionel Jospin, le "sage" qui donne des leçons à tout le monde, qui a approuvé au nom de la France cet échafaudage suicidaire. Il eut fallu - et nombreux furent les clairvoyants à le dire - d'abord approfondir sur le plan "fédéral" l'Europe existante (au risque de laisser la Grande-Bretagne s'en éloigner, et alors?) puis, au cas par cas, élargir sur la base d'un "contrat" politique à prendre ou à laisser. Au lieu de çà, on a laissé s'agréger cette usine à gaz ingérable. Là-dessus vint se greffer le projet de "constitution" mitonné par la commission Giscard, suffisamment abscons dans son expression pour faire fuir les Européistes les plus convaincus, tout en étant assez détaillé sur le fond pour donner des arguments aux souverainistes de tout poil. D'où le "non" franc et massif en France et aux Pays-Bas. Et le blocage actuel.

Il paraît qu'ils ont essayé très fort, mais que vraiment c'était plus possible / Putain, mais çà m'en touche une sans faire bouger l'autre, là, tu vois?

Nicolas Sarkozy n'est certainement pas responsable de cette situation. Mais sa "solution" pour en sortir - un "mini-traité" - a été l'un des arguments-clés de sa campagne. Passons sur le fait - qui fait dès aujourd'hui hurler les "nonistes" sur le blog de Libération.fr - de se passer de l'approbation du peuple sur un sujet que, visiblement, le peuple a à coeur, vu le taux de participation au référendum de 2005. Passons sur les "cocoricos" qu'on ne va pas manquer de nous asséner, passons enfin sur les "Voyez, Monsieur d'Arvor, moi je vous le dis, quand on veut, on peut" que nous ne manquerons pas d'entendre prochainement sur TF1.

Mais tout de même, il y avait deux manières de sortir du blocage institutionnel: par le haut, et par le bas.

  • Par le haut, c'eût été d'imaginer une Europe politique à plusieurs vitesses, d'emblée, et surtout de définir en priorité le périmètre et les ambitions de son "noyau dur" (France, Allemagne, Espagne, Italie, Bénélux...). Et d'aller au "conflit" avec la Grande-Bretagne, la Pologne et les autres pays traditionnellement centrifuges/américano-centrés si nécessaire. C'eût été de définir une vraie Constitution (5 à 10 pages, pas plus), exclusivement dédiée aux grands principes humanistes et démocratiques inventés par les natifs de ce continent, à des règles de décision et aux équilibres entre les institutions (Présidence, Commission, Parlement, Cours de Justice). Et de faire valider le tout par un référendum conduit simultanément dans chacun des pays-candidats. Puis de l'appliquer dans les pays ayant voté "oui"
  • Par le bas... c'est exactement ce qui vient de se passer à Lisbonne. Un "machin" imbitable ménageant la chèvre slovène et le chou polonais. Par le bas, c'est l'option choisie par notre génial Président. Parce que çà va plus vite et qu'on a autre chose à faire. Parce que l'Europe comme avenir politique, au fond, il s'en fout comme de sa première promesse électorale

Il paraît qu'elle ne se faisait pas à la vie protocolaire de l'Elysée / Oh, arrête, si tu savais comme on s'en branle!

Cerise sur le gâteau: le présent traité élimine toute référence officielle à un drapeau et à un hymne européen. Exeunt, donc, la bannière étoilée ci-contre et, surtout, le final de la 9ème de Beethoven. Ça devait chiffonner la délégation polonaise, ce truc allemand, sûrement... Alors voilà, c'est fait: le peu qu'il restait du dépassement palpable des guerres et des massacres sur ce continent vient d'être sacrifié, au nom des susceptibilités nationalistes de démagogues ignares. Ne reste, pour le coup, qu'une Europe de petits boutiquiers chauvins, une Europe de marchands, et rien d'autre, vraiment. L'hymne à la joie, c'était un symbole, un beau. Oui mais voilà: les marchands n'entendent rien aux symboles, ils ne comprennent que les logos.

Ce compromis-là, je ne pardonnerai jamais à Sarkozy de l'avoir accepté.

Non mais, tu te rends compte, maintenant il va être tout seul... / Oh, mais tu nous les brise avec tes considérations "people"!

Quoique... L'Elysée refusa catégoriquement, il y a peu, que Cécilia comparaisse devant la Commission d'enquête de l'Assemblée Nationale sur la libération des otages de Kaddhafi. Argument à trente-deux cents du "palais": la séparation des pouvoirs. Comme si la femme du Président était dépositaire ne serait-ce que d'une once de pouvoir exécutif. Bon, ben maintenant qu'elle est redevenue une quidam à 100%, la Commission Moscovici va peut-être bientôt la convoquer. Et réaffirmer le pouvoir des élus. Le pouvoir de la séparation, en quelque sorte.

Allez, tchao.

dimanche 14 octobre 2007

Entreprendre, qu'ils disaient

Il est de bon ton, depuis plus d'une vingtaine d'années, de porter un regard cynique et désabusé sur la classe politique. L'extension de l'idée du "tous pourris", tant redoutée par les chiens de garde des "dérives populistes", n'est plus une menace qu'il s'agirait de conjurer, mais un lieu-commun, largement entretenu par pléthore de livres, de films, de spectacles comiques, le tout sur fond d'une tradition bien franchouillarde d'indignation: l'incivisme, c'est les autres. Il est vrai que de Carrefour du Développement en Affaire Elf ou Urba, de la Mairie de Paris à celle de Grenoble, Droite et Gauche ont donné à voir au bon peuple foultitude d'exemples de malversations, de petites et grandes combines, où la frontière était parfois ténue entre financement d'un parti politique et enrichissement personnel. Aujourd'hui encore traînent aux basques d'un Pasqua ou d'un Chirac des casseroles bruyantes, tandis qu'on s'interroge sur les conditions d'achat d'un appartement à Neuilly-sur-Seine, par le ci-devant maire de cette belle commune de l'ouest parisien. La rupture, d'accord, hein, mais bon, faut pas exagérer.
Ces feuilletons aux multiples rebondissements, combinés au désengagement progressif de l'Etat de la sphère économique (privatisations, transferts de pouvoir aux instances européennes) et de la perte de puissance qui en découle, ne sont bien évidemment pas pour rien dans la baisse régulière de la participation aux élections, nonobstant le sursaut observé lors de la dernière présidentielle. Globalement, donc, les politiques ont perdu pouvoir et prestige. Est-ce le phénomène de la poule et de l'oeuf? Toujours est-il que la vigilance des médias à l'égard des déviances des élus s'est largement accrue. Les politiques sont en permanence sous les feux de la rampe: au moindre faux-pas, vlan, c'est l'hallali. C'est salutaire, dira-t-on, et la démocratie ne peut que mieux s'en porter. Mouais.
Mouais, car il faudrait que cette vigilance s'applique avec autant de rigueur à l'égard d'autres puissants devenus, entretemps, bien plus puissants: ceux de la sphère économique. Or, en France tout au moins, çà coince, tant les médias sont, pour la plupart, sous le contrôle de grands groupes industriels - ne serait-ce que via leurs ressources publicitaires. Pour dix articles/sujets d'investigation sur les turpitudes du député-maire machin, combien d'enquêtes serrées sur la "gouvernance" au sein des entreprises? Vous pouvez compter: zéro, ou presque.
L'air du temps, de surcroît, est à l'exaltation de l' "entrepreneurship", de la "croissance", on a même vu un Premier Ministre nous parler de "patriotisme économique". Signe des temps, le bon vieux Conseil National du Patronat Français s'est mué il y a quelques années en Mouvement des Entreprises de France. "Mouvement": non content de s'arroger son pouvoir, l'économique dépouille le politique de ses oripeaux.
Bref, au nom de la croissance économique et "donc" de la lutte contre le chômage, les dirigeants d'entreprise, c'est sacré, pas touche. Et notamment ceux des entreprises exemplaires, celles ayant atteint la "taille critique" leur permettant de se bagarrer à l'échelle de la planète. Comme EADS, par exemple.
EADS, tiens, justement. Il arrive un moment, tout de même, où on a beau se forcer à regarder ailleurs (l'Irak, la Birmanie, la Coupe du Monde de Rugby, les Sarkozeries du jour), rien à faire: il se dégage une puanteur de scandale d'un fait d'actualité, et il faut se rendre à l'évidence, c'est bien de dirigeants d'entreprise qu'il s'agit.
En résumé: 1 200 dirigeants du groupe d'aéronautique et d'armement s'en sont vite fait-bien fait mis plein les fouilles avec leurs stock-options avant que les retards de production de l'A380 ne soient connus, et que les actions qu'ils détenaient perdent 27% de leur valeur. Par ailleurs deux des actionnaires principaux du groupe EADS, Lagardère en France, Daimler-Benz en Allemagne, se sont aussi débarrassé de 7,5% de capital qu'ils détenaient chacun, quelques mois avant la chute du cours. Et on flaire que tous ces gens ont agi en connaissance de cause. Un délit d'initiés, ça s'appelle. Là-dessus, côté français, se greffe le soupçon que le ministre de l'Economie de l'époque, Thierry Breton (issu non pas du monde politique, mais de celui de l' "entreprise") ait laissé, là aussi en connaissance de cause, la Caisse des Dépôts et Consignations, Banque d'Etat, racheter un tiers des actions vendues par Lagardère. Perte pour la CDC, donc pour le contribuable, suite à l'effondrement de l'action: 200 millions d'Euros. Pendant ce temps là, rappelons-le, tout ce beau monde convenait qu'il était nécessaire de "restructurer" EADS. Un "plan" répondant au doux nom de Power 8 fut donc mis en place: 10 000 suppressions d'emploi dont a priori zéro, très exactement, parmi les 1 200, faut quand même pas déconner.
Là, vraiment, çà renarde tellement velu que toute la presse en parle.
Parmi les multiples réactions à l'affaire, l'une mérite qu'on s'y attarde, celle de Laurence Parisot, présidente du MEDEF: ces gens-là sont méprisables a t-elle dit en substance, très très colère, ils sont "tout sauf des patrons". Ah bon? Des pizzaiolos, des employés de maison, des chauffeurs-livreurs, des infographistes stagiaires, alors, peut-être? C'est bien malheureux, chère Laurence, mais ce sont ce qu'on appelle des "patrons", jusqu'à ce que la langue française ait trouvé un autre synonyme pour "Co-président exécutif du Directoire" (Noël Forgeard, 4,1 millions d'Euros de plus-value) ou "Directeur Général" (Jean-Paul Gut, 1,8 millions d'Euros de plus-value).
Le fait est que si les soupçons de délit d'initié sont avérés, ces individus ne sont pas plus dignes d'être dirigeants d'entreprise qu'Alain Carignon n'est digne d'être maire de Grenoble. Cependant Alain Carignon, battu aux dernières législatives, vient de déclarer qu'il ne se représenterait pas aux municipales. La probabilité qu'on le voie prochainement exercer des responsabilités politiques est donc nulle. Je ne jurerais pas que Noël Forgeard soit appelé à disparaître du paysage économique, en tout cas avant longtemps.
Car nous sommes en France. Aux Etats-Unis, le "patron" d'Enron s'est pris vingt-quatre ans de gnouf, ferme. De ce côté-ci de l'Atlantique, on envisage plutôt de dépénaliser de Droit des Affaires, pour "libérer la croissance". Qu'est-ce qu'ils sont cons, ces Américains, avec leur croissance tout emprisonnée, les pauvres...
Toujours est-il qu' il n'est pas plus intelligent d'accabler l'ensemble des dirigeants d'entreprise que de traiter l'ensemble des hommes et femmes politiques de "pourris". Il y a que la plupart de ces derniers affrontent régulièrement ce qu'on appelle des électeurs, et tous, même Villepin, une presse déchaînée quand ils font vraiment les cons. Sans parler des juges. Tandis que parmi une certaine caste d' "entrepreneurs", la prise de risque économique c'est toujours pour les autres, et l'impunité est la règle.
Alors si ces gens-là "ne sont pas des patrons", il serait bon que le monde économique, à commencer par le MEDEF, se dépêche d'inventer des moyens pour qu'ils ne risquent pas de le (re)devenir. A défaut, il ne faudra pas jouer les victimes si le politique s'empare un jour a nouveau de la question. On peut toujours rêver.
A bientôt

vendredi 12 octobre 2007

Ni dupe, ni soumise?

Ah, l'"ouverture" Sarkozyenne! On en aura noirci, du papier, sur ce phénomène marquant de l'après-6 Mai 2007... Il faut admettre que ce fut un coup de génie, cette démarche en contre-pied, qui consista à recruter Ministres, Secrétaires d'Etat, Présidents ou de membres de commissions, de missions tout court, parmi des gens de Gauche ou affichés comme tels. Trois segments, parmi les bénéficiaires de cette largesse d'esprit:
  • - Les Altruistes mal-compris, socialistes vivant assez mal l'horizon bouché de leur carrière (Kouchner et, dans une certaine mesure, Lang) et affichant un noble souci de l'"intérêt général" tout en soulignant la "fidélité à leurs convictions"

- Les Franchement retournés, comme Besson ou Jouyet

- Les Suppléments d'âme, comme Martin Hirsch et Fadela Amara, plutôt classés à Gauche mais membres éminemment emblématiques d'une "société civile" dont l'action traiterait d'enjeux dépassant les clivages, en dernière analyse (Sarkozyenne).

Pour être exhaustif, on serait tenté d'ajouter un segment complémentaire, les Pistonnés, s'il ne contenait aujourd'hui qu'un seul individu: Dominique Strauss-Kahn.
A ces ralliements plutôt spectaculaires s'ajouta la promotion interne de fidèles "issus des minorités visibles" - Rachida Dati, Rama Yade - et femmes, de surcroît, à des postes tout sauf marginaux. Ce que, on ne le dira jamais assez, la Gauche "oublia" singulièrement de faire lorsqu'elle était aux commandes.
De fait, le pouvoir Sarkozyen nouvellement constitué s'afficha d'emblée comme un kaléidoscope polysémique, offrant, au premier abord, le double bénéfice de couper les jarrets d'une Gauche déjà sonnée par sa défaite présidentielle et de désamorcer par avance le reproche d'accaparement du pouvoir par une "faction" (accusation qui fit le succès de Mitterrand en 1988). Pour compléter le tableau, des Sarkozystes "historiques", écartés de facto des responsabilités, exprimèrent publiquement leur amertume (tel l'inénarrable Devedjian, que le PS devrait inventer s'il n'existait pas), ce qui renforça la crédibilité de ladite "ouverture".
De ci, de là, il y eut bien quelques fausses notes directement liées aux audaces du recrutement Sarkozyen: Martin Hirsch s'émouvant publiquement des dé-remboursements de médicaments, Rama Yade allant soutenir des squatteurs expulsés... Mais on n'en a pas chié un panzer, un petit froncement de sourcils de Fillon, une petite mise au point de Guaino (à moins que ce ne soit l'inverse) et tout fut bien vite oublié sous l'avalanche des initiatives présidentielles à destination des médias.
Cette semaine cependant s'est fait entendre un couac un peu plus sonore: Fadela Amara, Secrétaire d'Etat à la Politique de la ville, a publiquement fait savoir qu'elle trouvait "dégueulasse" l'instrumentalisation du phénomène de l'immigration à des fins politiques, évoquant notamment le fameux "amendement ADN" de Thierry Mariani. Brouhaha dans les rangs des parlementaires UMP qui ont voté ledit amendement. "Ouah l'autre, eh. Mais pour qui elle se prend, celle-là? J't'en foutrai, moi, de l'ouverture!" Aux dernières nouvelles (AFP, ce jour, 18h30), Fadela est gentiment invitée à un petit déjeuner avec Thierry Mariani, Patrick Devedjian (encore lui) et éventuellement Brice Hortefeux, dès lundi matin. A mon avis çà va être un peu ambiance rock'n'roll, ce petit déjeuner. Si çà se trouve, çà va se terminer à coups de croissants et de pots de confiture dans la gueule.
Plus sérieusement: l'immigration a des causes et des conséquences multiples et complexes, que je ne saurais décortiquer à cette heure. Notons simplement les faits suivants:
  • Ces vingt dernières années, la Gauche de gouvernement a soigneusement évité d'en aborder de front l'effet sur la vie quotidienne de son électorat populaire, au nom d'un humanisme de bon aloi, tandis que la Droite a considéré et traité l'immigration comme un "problème"- aiguillonnée en cela par le Front National - mais sans franchement dire en quoi ce "problème" pouvait bien consister
  • Les uns et les autres (surtout la Droite, mais pas seulement) ont accumulé lois et décrets en tout genre sur les conditions d'entrée et de séjour sur le territoire, faisant de ce domaine un fatras juridique à peu près aussi lisible que le droit fiscal, créant des situations ubuesques d'immigrants illégaux dont on n'est pas bien sûr, au fond, qu'ils soient légalement expulsables
  • En toile de fond s'est dessinée l'alternative stupide entre expulsion massive et régularisation massive des "sans papiers", l'une et l'autre également impraticables

Là-dessus est arrivé Sarkozy, avec son concept d'"immigration choisie", son programme d'expulsions "au cas par cas" mais dont le nombre est calculé d'avance et, cabriole sémantique spectaculaire, son "Ministère de l'Immigration et de l'Identité Nationale". Pas besoin d'un Doctorat en Sciences Politiques pour relever que cette dernière initiative a joué un rôle majeur dans le siphonnage des voix Frontistes. Or, et nous l'avons noté ici-même (Diabolisé, et content de l'être, 28 Avril), ce clin d'oeil appuyé aux obsessions "identitaires" n'est pas qu'un exercice de style. Le "je vous ai compris" de Sarko aux électeurs Frontistes se traduit, aujourd'hui, par un durcissement des conditions d'immigration et une relance des expulsions de "sans papiers".

Politiquement (2012), l'enjeu du maintien de l'électorat Frontiste dans l'escarcelle Sarkozyste est majeur. Des gamins terrorisés par les flics frappant à leur porte peuvent bien se jeter par la fenêtre, on peut bien arrêter un grand-père chinois à la sortie d'une école, tabasser les expulsés dans les avions... Rien à péter: l'essentiel, c'est de donner des gages visibles à cet électorat très volatil. Et tant pis si une vraie régulation passerait par la répression impitoyable des employeurs des clandestins, on ne va tout de pas se mettre à dos l'industrie du bâtiment et les viticulteurs du midi.

Dans ce contexte, à quoi sert vraiment, en seconde lecture, la politique d'"ouverture", et notamment la place faite à une Fadela Amara? A masquer, derrière une "diversité" visible, une politique brouillonne et démagogique sur une question que, par ailleurs, le bon sens suggérerait de traiter quasi-exclusivement à l'échelle européenne.

Alors oui, Fadela, c'est "dégueulasse" d'instrumentaliser l'immigration à des fins politiques. Mais servir de paravent à une telle instrumentalisation, vous appelez çà comment? "Ignoble", "à gerber", ou tout simplement "couillon"?

Il serait temps de montrer que vous n'êtes ni dupe de la manipulation Sarkozyenne, ni soumise au plaisir, bien compréhensible, que procurent la célébrité et le pouvoir. Dès lors arrêtez les frais ce lundi matin et, c'est une suggestion, videz la cafetière sur la tronche de Thierry Mariani.

Allez, salut.