En ce bas monde une chose est sûre
C’est une solide vérité
C’est que les choses de la nature
Ont toutes leur utilité
S’ensuivait une énumération de ce à quoi pouvaient bien servir des éléments de la nature divers et variés (« les cheveux, qui servent à caresser le vent », « l’herbe des champs, pour se coucher quand on est deux », « la mer et l’ouragan pour faire se gonfler notre sang, pour sculpter les cinq continents… et pour saler tous les harengs » etc..). La chanson se concluait, un peu abruptement, comme ceci:
Un fier défi à la logique
J’ai beaucoup cherché, mais en vain :
Les couilles du pape ne servent à rien
On peut parfois le regretter, mais l’ignorance et la bêtise ne sont pas des crimes, le pape a parfaitement le droit d’être un imbécile. Oui mais voilà : d’une part ce n’en est pas un, d’autre part c’est le pape, justement, sa voix « porte », comme on dit. Pour un milliard et demi d’êtres humains, c’est le chef suprême de l’institution religieuse à laquelle ils se sont ralliés, de surcroît, selon le dogme de cette même institution, il est doué d’infaillibilité : en théorie, tout bon catholique est supposé croire sur parole ce que dit le pape. En l’occurrence, il va falloir au catholique moyen un gosier d’hippopotame pour avaler une telle couleuvre.
- Le préservatif, comme tout moyen contraceptif, rend possible une sexualité sans autre conséquence que la satisfaction des partenaires
- La luxure est un péché auquel très peu d’êtres humains résistent (« la chair est faible » etc.…)
- Le préservatif encourage donc une sexualité débridée, habitude dont il est difficile de se défaire
- Une fois l’habitude prise, qui peut garantir que l’usage du préservatif sera systématique, en admettant qu’il soit disponible partout (surtout en Afrique sub-saharienne, où il est déjà très difficile de trouver un Mac Donald’s, alors une pharmacie…), hein, je vous le demande ?
- Or pratiquer des rapports multiples et répétés sans préservatifs, c’est accroître le risque de contracter et de transmettre le VIH
L’existence du préservatif favorise donc la diffusion du SIDA, CQFD.
Evidemment, ce syllogisme rappelle un peu le paradoxe de l’emmenthal (et non du gruyère, tous les Suisses vous le diront) : plus il y a d’emmenthal, plus il y a de trous, or plus il y a de trous, moins il y a d’emmenthal, donc plus il y a d’emmenthal, moins il y a d’emmenthal. Sans parler de l’aberration qui consiste à croire que le préservatif serait la cause du désir.
Mais l’essentiel, lorsqu’on s’appelle Joseph Ratzinger, c’est, sur la question de la sexualité, de ne pas changer la position de l’Eglise d’un iota. Quitte à passer pour un con, au premier abord. Car si, comme le chantaient Font & Val, les testicules dont est affublé le pape constituent certainement un accessoire inutile, sa faculté de parole a un rôle bien particulier : exprimer et renforcer les certitudes multiséculaires de l’église catholique, a fortiori dans un contexte où elle est sérieusement concurrencée par d’autres formes de foi (évangélisme, islam) de par le monde, notamment en Afrique.
Là où ça coince, évidemment, c’est que ladite église, en tant qu’institution, s’affirme volontiers comme une entreprise humanitaire – et ce n’est pas une affirmation en l’air si on en juge par les innombrables ONG ou œuvres de bienfaisance animées par des prêtres ou des religieuses.
Or, nonobstant le raisonnement décrit plus haut, il est évident que bannir l’usage du préservatif c’est à coup sûr condamner des gens à mort, par millions. Dès lors transparait l’absolue perversion mentale à laquelle peut conduire le dogmatisme chrétien, dogmatisme dont la pensée papale est une parfaite illustration : lorsqu’on affirme vouloir « préserver la vie » (voir le débat sur l’avortement) c’est une vie abstraite dont on parle, une vie dont est a priori exclue toute forme de plaisir autre que la joie extatique de l’illuminé – comme Thérèse d’Avila, celle qui rit quand on l’apaise – une vie désincarnée. A cet égard, l’initiative de cet évêque Brésilien, excommuniant une gamine de neuf ans sous prétexte qu’elle a avorté du produit d’un viol qu’elle a subi, est dans la droite ligne de cette conception de « la vie ». D’ailleurs, que peut bien connaître un Joseph Ratzinger de la vie d’un être humain normal ? A-t-il lui-même fait l’expérience du plaisir – hormis lors de son insouciante adolescence au sein de la « Hitlerjugend » (youkaïdi, youkaïda, heili, heilo, heila) ? Ce qui compte, ce n’est pas tant de sauver des vies concrètes, c’est de préserver une idée de la vie - c’est, en définitive, de sauver des âmes. C’est pourquoi la déclaration du pape est parfaitement logique. En parler comme d’une « une erreur de communication », c’est non seulement faire un contresens absolu, mais c’est aussi se rendre complice d’une publicité mensongère, visant à nous faire prendre des vessies dogmatiques pour des lanternes philanthropes.
Alors je suis désolé pour les millions de catholiques sincèrement humanistes que Benoît XVI horripile mais, toutes proportions gardées, leur situation me rappelle furieusement celle des communistes que le stalinisme révulsait : ils n’eurent d'autre choix que de la fermer ou de changer de crémerie. D’autant qu’a priori, il est au moins aussi difficile de changer de pape de nos jours que de Secrétaire Général du Parti à la grande époque de l’URSS.
Quant aux Africains, on ne peut que leur souhaiter de rester sourds aux admonestations du vieil obsédé du Vatican. Voir Venise et mourir, disait-on. On peut ajouter : écouter Rome, et crever comme un chien.
Ciao, belli.