"Folle journée" à Nantes, 24 heures de dingues sur la scène médiatico-politique.
Dominique Galouzeau de Villepin, ci-devant éminence grise du "château" et ministre d'Etat, pris la main dans le pot de confiture ou presque, soupçonné de carambouilles barbouzardes à faire pâlir le défunt Jacques Foccart s'est, à l'occasion du procès "Clearstream", quasiment refait une virginité en termes d'image, tant semble évidente la haine qu'on lui voue en haut lieu. Et en ces temps d'effondrement de la Sarkophilie, une telle inimitié, assortie de menaces Gestapesques à peine voilées - le croc de boucher, tout ça - lui vaut un statut d'adversaire majeur du président.
Dès lors se met en scène un affrontement théâtral: à ma droite un président de la république plein de hargne. Physiquement pas très grand, nerveux, il a un jeu de jambes terrible et ne tient pas en place. Sa puissance de frappe est redoutable, car il a tout l'appareil d'Etat dans son gant de boxe. A ma droite, également (ben oui), un grand escogriffe au verbe haut, dépourvu de toute puissance réelle mais bénéficiant d'une allonge qui lui permet d'espérer frapper son adversaire en toute impunité.
24 heures de dingues, donc, au terme desquelles l'affrontement décrit ci-dessus semble s'inscrire de façon durable dans le paysage politique français: Dominique de Villepin est relaxé le jeudi - et pan, un direct du droit - et commence déjà à parcourir le ring avec les bras en "V", le sourire aux lèvres. Le vendredi, "en conscience", le Procureur de la République de Paris fait appel - paf, le crochet à l'estomac - et voilà le grand dadais de retour sur le ring, lui qui croyait commencer une tournée d'autographes.
Nous voilà donc gratifiés, jusqu'à 2012, du revival d'un spectacle folklorique datant de la présidence Chirac (autant dire du moyen-âge): "l'affrontement Sarkozy-Villepin". Pour l'électeur de gauche que je suis, le soudain emballement médiatique sur ce thème, à l'occasion de l'affaire Clearstream, est bien sûr une excellente nouvelle. D'autant que le retour de ce pugilat devrait sans aucun doute réveiller les ardeurs de François Bayrou, qui, parions-le, se la jouera nettement moins centriste s'il craint de voir lui échapper les déçus de droite du Sarkozysme (nettement plus nombreux que les déçus de gauche, hein, soyons sérieux). Du coup, la droite, jusque là grosso-modo alignée sur la présidence et, à peu de chose (Copé) près le petit doigt sur la couture du pantalon, va de nouveau ressembler à une tribune de stade argentin un soir de finale, comme au bon vieux temps.
Mais une fois passée cette bouffée de joie, il n'est pas interdit de remarquer que cet "affrontement" a à peu près autant de consistance politique qu'une chanson de Claude François. Sans rire: le Sarkozysme, quoi qu'on en pense - notamment si on n'en pense pas du bien -, est un phénomène tangible. Mais le "Villepinisme", c'est quoi? Une fois époussetées les considérations d'ordre cosmétique (un physique, une prestance, une capacité d'énoncer des évidences avec talent, comme à la tribune de l'ONU, ou l'aptitude à noircir du papier sur des sujets rebattus, comme Napoléon Bonaparte), que reste-t'il? Voudrait-on nous faire croire, comme Laurent Joffrin vendredi dernier dans son édito de "Libé", que Dominique de Villepin personnalise une quelconque "droite sociale"? Suffit-il d'être de grande taille, de parler de "devoir envers les Français" à tout bout de champ et de mépriser les parlementaires pour se voir qualifier de "gaullien"?
Ce n'est pas mon problème, objectera-t'on, mais, jugeant sur pièces (dissolution de 1995, CPE... affaire Clearstream, coupable ou pas), que peut-on donc bien attendre d'autre d'un Dominique de Villepin, quand on est de droite, que des boulettes magistrales?
Ecrivons ensemble les premières lignes d'un "Manifeste du Parti Villepiniste":
Un spectre hante le Sarkoland: ce spectre, c'est le Villepinisme.
Le Villepinisme, c'est, à droite, le rêve d'un pouvoir qui saurait retrouver une retenue, un bon goût, une forme de rareté et de discrétion que le Sarkozysme a balayés. Pour de nombreux gens de droite, très attachés aux formes, Sarkozy manque singulièrement d'allure. Le Villepinisme n'a d'autre substance que celle d'être un contrepoint du Sarkozysme, il n'a d'autre réalité que celle du fantasme d'une autorité sans partage enrobée dans des effets de style - une définition de l'aristocratie: c'est un spectre.
Cruel destin que celui d'un président qui se veut tout-puissant et qui se retrouve à boxer un fantôme. On a, au final, les adversaires qu'on mérite.
Ciao, belli