- En Afghanistan, les Américains et leurs alliés sont en guerre non contre "le terrorisme" mais contre des hommes déterminés, bien armés et connaissant parfaitement le "terrain" - et pour cause, c'est leur pays
- Ces hommes, les Talibans, bénéficient d'un sanctuaire - les zones tribales au nord du Pakistan - et de "sponsors" - une partie des services secrets et de l'armée pakistanais. A partir du moment où les Américains ne veulent ou ne peuvent pas exercer de pression suffisante sur ce pays officiellement allié (de longue date), le combat contre les Talibans relève du tonneau des Danaïdes. Dès lors l'honnèteté obligerait à dire qu'il s'agit non pas d'une guerre avec un objectif précis et mesurable (par exemple: "virer Saddam Hussein et le remplacer par un autre salopard, mais à nos bottes") mais d'une guerre d'endiguement (containment): l'enjeu n'est pas d'éliminer le problème, mais d'en limiter l'ampleur. Rappelons que le containment du communisme (la guerre froide) a duré quarante ans
- Par conséquent, le discours affirmant que l'objectif de la coalition est "d'éradiquer le terrorisme" relève au mieux de la rodomontade, au pire de l'imposture: pour ce faire, ou à tout le moins réduire significativement cette menace, il conviendrait que les Etats-Unis effectuent un renversement d'alliance à 180 degrés dans la région, en consacrant tout leur soutien à l'Inde, ou en menaçant sérieusement de le faire. Or on en est loin: un projet de loi a été présenté mi-Juillet au Congrès, visant à tripler l'aide non-militaire au Pakistan, en la portant à 7,5 milliards de dollars sur trois ans, tout en "conditionnant" l'aide militaire (1 milliard de dollars par an) aux "succès de la lutte contre le terrorisme". Questions: qui va mesurer le "succès" de cette supposée lutte? Quelles garanties que l'aide "non-militaire" triplée ne va pas contribuer à financer des organisations proches des Talibans?
Pour faire court: la France s'est engagée dans un foutoir durable.
Cela dit, trois questions simples dans l'immédiat: premièrement, l'endiguement des Talibans en Afghanistan est-il nécessaire? A mon avis, la réponse est oui. Deuxièmement, la France a t-elle vocation à y participer? Là encore, à mon sens, oui, mais de deux choses l'une: soit on s'en donne les moyens, soit on s'abstient, car pour le coup, il s'agit de combats "pour de vrai". Et si on s'est donné les moyens de participer à ce truc, il faut l'appeler par son nom: une guerre, sachant qu'une guerre sans morts, c'est plutôt rare a priori. Troisièmement, la France, en tant que pays, a t'elle un tant soit peu "la main" sur la gestion de ce conflit? La réponse est évidemment non, et c'est bien là le problème.
Si polémique il doit y avoir autour de l'accroissement de l'engagement français en Afghanistan, il serait bon que d'une part elle soit déconnectée de l'émotion suscitée par les dix morts de ce lundi, d'autre part qu'elle porte sur le fond: la France, comme l'Europe, a intérêt à éviter que les barbus d'Al Qaeda et consorts disposent d'un pays dans lequel ils auraient pignon sur rue, comme l'Afghanistan d'avant Novembre 2001... Mais la défense de cet intérêt et les pertes qui vont avec n'ont pas vocation à servir de "preuve d'amour" aux Etats-Unis qui, du fait de leur diplomatie, font presque autant partie du problème que de la solution: Sarkozy aurait-il envoyé 700 soldats supplémentaires en Afghanistan si Bush ne le lui avait pas demandé, là est le vrai sujet de débat...
Si par ailleurs dans le monde politique on trouve que dix morts d'un coup, c'est beaucoup trop, alors il serait bon qu'un certain coq gaulois cesse de vouloir péter plus haut qu'il n'a le croupion.
A bientôt
2 commentaires:
Salut Riwal,
Pour une fois je suis d'accord avec toi. Je trouve les medias particulierement hypocrites car comme tu le souligne armee = guerre = pan-pan..donc risque de se faire tuer, cela fait partie du job.
Pour ce qui concerne la diplomatie internationale, je pense qu'en Afghanistan comme en Irak les efforts militaires devraient etre precedes et accompagnes d'une aide economique au developpement. Si la population voit que l'aide internationale ameliore leur vie et leur securite au quotidien , d'eux-memes ils bouteront hors des montagnes les extremistes enturbannes.
A tchao
Ravi qu'on se retrouve sur ce point... Cela etant, "l'aide economique au developpement", sous toutes les latitudes, trouve vite ses limites: au-dela des phenomenes habituels de "coulage" et de corruption, quelle entreprise, voire quelle ONG (a part des gens comme ACF, MDM ou La Croix Rouge)va aller expatrier des employes sous une pluie de bombes, de roquettes et de balles? On en revient a la question militaire, difficile a traiter car les Talibans ne sont pas des extra-terrestres mais des cousins, des freres, des peres, des maris de Pashtouns qui constituent la majorite de la population. Pas simple, surtout si en parallele les Americains ne prennent pas le probleme pakistanais a bras-le-corps.
A tchao aussi
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