lundi 17 mars 2008

La défaite, en chantant...

Aaaaaaaaaaaaahh.... Ça fait du bien!

Par ordre alphabétique, quelques lieux dont l'évocation tinte à mes oreilles d'un son joyeux, ce jour: Amiens, Caen, Metz, Périgueux, Reims, Strasbourg, Toulouse. Et puis bien sûr Brest, Nantes, Pau (voir plus bas), Quimper, Rennes, sans oublier Paris et Lyon. Nonobstant, Marseille manque à l'appel, de même que le cinquième arrondissement de Paris et Corbeil-Essonne: la Droite s'y est maintenue face à la poussée de la Gauche, on a les digues qu'on peut. En l'occurence, un rempart symboliquement tenu par Jean-Claude Gaudin, Jean Tibéri et Serge Dassault, autant dire une dream team.

Voilà voilà. Tout porte à croire, donc, que les partisans explicites ou implicites de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement (à propos, je ne résiste pas au plaisir de partager ici l'image ci-contre, qu'une personne qui m'est très chère m'a tout récemment fait parvenir) ont un tout petit peu pris une énorme taule aux élections municipales des 9 et 16 Mars.
J'écris "tout porte à croire" parce qu'à entendre les Fillon, Wauquiez et autres Albanel sur le plateau de France 2 hier soir et bien non non, pas du tout, même pas mal, en plus. Leur analyse tient en trois points:
- C'est un scrutin local
- L'abstention a été très forte
- Si insatisfaction il y a vis-à-vis de la majorité, elle est due, en fait, à une impatience de l'électorat
Reprenons: les citoyens français, en fait, n'en peuvent plus d'attendre les bienfaits des idées du génial président mises en musique par sa "meilleure équipe de France". Mieux: ils en veulent davantage, et plus vite que çà. C'est pour çà qu'ils ont voté plutôt à gauche ou se sont abstenus. Ils sont comme çà, les citoyens - blagueurs, ils s'expriment en énigmes: "Je veux encore plus de harengs-pommes à l'huile, disent-ils, du coup soit je reprends de la salade de fruits, soit je quitte le repas, comme çà tu comprendras". Tout çà, bien sur, ils l'ont dit en catimini, localement, en bout de table.
Bref, la Droite exulte. Et annonce à grands coups de clairon qu'elle va dès aujourd'hui continuer et approfondir ce qu'elle appelle "les réformes". On croit rêver.
Sérieusement: la Majorité aurait-elle compris un tant soit peu le "message des Français", s'il devait y en avoir un, qu'elle entonnerait un nouveau Chant du Départ:

La défaite, en chantant, nous ferme des carrières
La fatuité guide nos pas
Et du Nord au Midi
L'urne bien familière
A fait sonner pour nous un glas

Tremblez, les élus de circonstance, roitelets tout gonflés d'orgueil
Le peuple souverain s'avance
Bling-bling, reste donc sur le seuil!

La République nous interpelle, faut convaincre pour se faire élire
Les Français parfois votent pour elle, du coup, les Français ils nous virent (bis)

Cette étalage de méthode Coué affiché depuis hier soir par les ténors UMP prête à sourire, mais au fond ce n'est pas ce qui me frappe le plus dans les résultats de cette élection. Comme évoqué ici-même il y a quatre mois (http://helvetia-atao.blogspot.com/2007_12_01_archive.html), la Droite française est faible de ce qui apparemment fait sa force en regard du PS: son leadership. Naguère, elle s'est précipitée dans les bras du ci-devant maire de Neuilly-sur-Seine, qui de fait balaya toute résistance sur son passage, jusqu'à l'apothéose du 6 Mai dernier: il n'eut pas mal à convaincre l'électorat traditionnel de droite, ravi de s'être enfin trouvé un chef un peu plus présentable qu'un Chirac usé jusqu'à la corde, auquel s'ajouta un bon nombre d'indécis, de Lepénistes occasionnels et d'électeurs votant traditionnellement à gauche qui se dirent que bon, pourquoi pas, il a l'air de savoir où il va, celui-là, et puis il parle comme tout le monde (pas comme l'autre pimbèche, là, fouyouyou). Dans l'élan qui agrégea la Droite dans un premier temps, une majorité d'électeurs dans un second temps, on se concentra sur l'élan lui-même et sur ce chef providentiel qui en était l'essence même. Par trouille ou par opportunisme, passé le 6 Mai, à droite, dans l'ensemble, on ne vit qu'une seule tête et on n'entendit que silence dans les rangs. Cà tombait bien, vu qu'en termes de taille d'ego et de sens de l'autorité, Nicolas Sarkozy ferait passer le Général De Gaulle pour un timide baba-cool.

Seulement voilà: se définir exclusivement comme Trucmuche-iste, çà va bien tant que Trucmuche suscite l'admiration et le respect d'une majorité de citoyens. Le jour où il se met à déconner ferme, à susciter des mécontentements un peu partout et, subséquemment, à s'effondrer dans les sondages, oups, çà dérape pour tout le monde. D'autant qu'il n'y a aucune branche à laquelle se raccrocher, sinon un Premier Ministre charismatique comme une endive, dont la stabilité des courbes de satisfaction traduit principalement un défaut d'aspérités. D'autant également que par ailleurs on a pris soin de savonner consciencieusement la planche d'un Bayrou, qui il est vrai y a mis du sien dans sa glissade (le cul par terre, à force de l'avoir entre deux chaises). Bref, la Droite a gagné il y a dix mois parce que Sarkozy, elle vient de perdre hier parce que Sarkozy: pas facile de jouer dans l'arène du cirque le programme de jongleries et d'acrobaties du MEDEF, pas facile de lancer des clowneries sécuritaires, lorsque Monsieur Loyal est indisponible.

De fait, cependant, le programme de la Droite continuera à se mettre en place, mais comme avancerait un canard sans tête. Au PS, celà dit, il est désormais grand temps que toutes ces têtes se trouvent un canard... et que par suite ce canard se choisisse une seule tête.

Nonobstant, la vie continue: Nicolas Sarkozy a enterré ce matin un vieux Poilu de 110 ans et un jeune Glabre de 36 ans. Tandis que Lazare Ponticelli, dernier survivant français du bain de sang de 14-18, personnifiait dans un dernier voyage la "France sacrifiée" dont parla Pierre Miquel, David Martinon, rescapé mal en point de la guerre du 9-16 Mars à Neuilly-sur-Seine, a pris un aller simple pour un consulat Outre-Atlantique.

Le porte-parole a pris la porte, parole! Les odeurs de fin de règne... dès le début du quinquennat: décidément elle se pose là, la rupture.

Ciao, belli