jeudi 26 avril 2007

Petit tour du premier tour

Ouf.
Deux phénomènes ont contribué à faire que ce premier tour me donne envie d'aller voter sans pince à linge au second: une participation massive d'une part, le sursaut de pas mal d'électeurs de gauche d'autre part, préférant ce coup-là voter selon le principe d'un moindre mal (de leur point de vue) que selon leurs vraies préférences.
Bel effort pour ce qui les concerne (j'en connais parmi mes lecteurs), même si par ailleurs la dispersion des Zagôchedelagôche en six candidatures aussi baroques que vaines a dû également en décourager plus d'un. Le PCF, par exemple, a jugé bon de se présenter en tant que tel. Pas question de se diluer dans un quelconque rassemblement, même le temps d'une présidentielle. Tenter de le contrôler, au contraire, selon les bons vieux principes staliniens en vigueur depuis toujours. Du coup le PCF peut se compter, en ce printemps 2007: moitié moins qu'une fraction trotskyste, Thorez doit s'en retourner dans sa tombe. Bien fait pour leur gueule.
Je ne m'étendrai pas sur le désastre des écolos, qui, au delà du "vote utile", payent des années d'inaudibilité. Quant à Besancenot, le gagnant parmi les perdants, lui reste à traduire son score relativement bon en résultats concrets pour ses électeurs. Dans un premier temps, la LCR pourrait organiser un meeting unitaire. Ah oui, tiens, ça serait bien, ça, un meeting unitaire. Et puis dans la foulée une déclaration "anti-libérale". Après on en discute dans des "collectifs de résistance citoyenne". Ouais ouais ça va le faire, Olivier, tiens bon.
Autre phénomène intéressant de ce premier tour: le siphonnage des voix FN par Sarkozy. Belle réussite pour le Neuilléen populaire. En 2002, il se faisait fort d'assécher le vote Frontiste: dont acte, bravo l'artiste. Oui mais voilà: tout le monde avait compris, à l'époque, qu'il allait s'efforcer de traiter certaines des causes concrètes de ce vote, en particulier la sécurité. Cinq ans dont quelques semaines d'émeutes à l'américaine plus tard, les statistiques d'"atteintes aux personnes" sont à la hausse, l'âge moyen des délinquants est à la baisse et les flics font du chiffre façon tonneau des Danaïdes - les prisons, surpeuplées, produisant des délinquants à tour de bras. Un échec total en matière de sécurité? "Qu'à cela ne tienne se dit le petit Nicolas, à défaut des résultats, me reste le verbe". D'où le "Ministère de l'immigration et de l'identité nationale", la réactivation du fantasme des "gènes du crime", les "la France, on l'aime ou on la quitte", etc... Et hop, ni vu ni connu je t'embrouille, par ici la bonne soupe. C'est marrant: toutes proportions gardées, ça rappelle le "je vous ai compris" de De Gaulle aux partisans de l'Algérie Francaise, en 58. Être des Cocus de l'Histoire, c'est une tradition, chez les gens d'extrême Droite. Reste que ces gages donnés aux électeurs Lepénistes risquent un peu de gêner la chasse aux "centristes".
Ah, le "centrisme". Finalement, c'est poser le cul entre deux chaises, mais c'est aussi gagner une élection entre deux tours. Bayrou est au centre. Sûrement pas à mi-chemin de la Gauche et de la Droite du point de vue des convictions, mais au centre... des appétits électoraux des deux finalistes.
Sur le fond, cependant, la "question centriste" est une question à tiroirs. Il y a d'abord la destinée personnelle de Francois Bayrou: il vient de prouver qu'il fallait compter avec lui, grand bien lui fasse. Il y a ensuite ses députés: tous élus avec des voix de droite, soutenant des gouvernements de droite depuis toujours, les voila bien emmerdés si d'aventure Francois Bayrou rompt bruyamment avec l'UMP. Les proches de Sarkozy ne se sont d'ailleurs pas privés de les menacer de mort électorale aux législatives en cas de "mauvais choix". Il y a enfin ses électeurs, pesant bien davantage que ce que représente "naturellement" la Démocratie Chrétienne en France. Derrière ce vote, à n'en pas douter, pour beaucoup, la détestation de Ségolène Royal et/ou de Nicolas Sarkozy. Toute la question est de savoir auquel des deux ces électeurs voudront le plus faire barrage.
En tout cas, à l'heure ou j'écris, il va falloir qu'ils se fassent une opinion tous seuls, leur candidat ayant choisi de ne pas choisir. Le contraire eût été surprenant: il y a d'une part ces fichus élus dont il faut ménager le destin, d'autre part son rêve de faire d'abord éclater le PS, puis l'UMP, et de rallier les morceaux autour de sa personne.
Ségolène Royal va donc devoir jouer serré, en faisant afficher par Bayrou des convergences sur des questions comme l'Europe politique contre l'Atlantisme, l'indépendance vis-à-vis du triptyque Lagardère-Bouygues-Dassault, l'anti-communautarisme, tout en ne faisant de concession sur rien, notamment le rôle de la puissance publique et le "donnant-donnant" vis-à-vis du MEDEF. Et si la victoire contre Sarkozy devait se payer au final de quelques ministres UDF (pardon: de ministres PD - "Parti Démocrate", c'est la nouvelle marque déposée de Bayrou), le jeu en aurait valu la chandelle. Quoiqu'il en soit, c'est pas gagné.
Mais bon: le PS francais est dans sa grande majorité arrivé à Bad Godesberg (ville ou le SPD allemand, en 1959, a renoncé au marxisme), ce n'est pas une raison pour pousser jusqu'à Canossa.
A bientôt

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Débat Ségolène Bayrou qui tire vers la fin. Pour l'instant pas de Canossa. Elle a été parfaite.
je retourne écouter la suite; A tout à l'heure !