Des "caisses" que l'on disait vides finalement s'avèrent pleines de milliards d'euros que l'Etat français, à l'instar de ses homologues européens et américain, verse à pleins tombereaux dans la machine bancaire. Sans plus d'effet - en France comme ailleurs - qu'un cautère sur une jambe de bois, si on en juge par la persistante déroute des marchés boursiers. Pompiers pyromanes, les laudateurs du marché se réjouissent de cet interventionnisme revigoré, quand ils n'en demandent pas davantage. A l'exception d'un Madelin qui attribue la crise à une "mauvaise régulation" (Le Nouvel Observateur, 3/10/08), les gallo-ricains libéraux font par ailleurs entendre un silence assourdissant. Même les "ultras" de la Commission Européenne (les "gnomes de Bruxelles", comme les appelle Jacques Juillard) jouent les avions furtifs.
Bref, ces temps-ci, le capitalisme débridé a du plomb dans l'aile, le mythe de l'autorégulation du marché s'effondre vraiment et l'on redécouvre soudain les vertus de la puissance publique en matière d'économie. Ce n'est pas ici qu'on va s'en plaindre, cette dégelée que prennent les idées ultra-libérales a quelque chose de vraiment jouissif.
Tout naturellement, cependant, cette crise du système ouvre en France un boulevard façon Bucarest à la vivace Gôchedelagôche, j'ai nommé la nébuleuse en cours de formation autour de la LCR et de son charismatique postier: le "NPA" ou "Nouveau Parti Anticapitaliste", le nom est provisoire. Que prône en effet cette mouvance? La rupture avec le capitalisme, rien de moins. "Nos vies valent mieux que leurs profits", le slogan claque comme un drapeau rouge et sonne comme un évidence aux oreilles de ceux et celles que le spectacle de la "misère du monde" post-Reaganomics emplit de désespoir, puis de colère.
Ce boulevard est d'autant plus large que le réformisme social-démocrate que porte le PS est inaudible, à commencer par les commentateurs politiques passionnés par les batailles d'ego (on en a parlé ici).
Le NPA, donc, ou la énième tentative de construire une organisation unitaire d'extrême-gauche, dans le vide que laisse l'effondrement du PC. Je peux me tromper mais ce coup-là, il est bien possible que ça réussisse, les prochaines élections Européennes devraient réserver quelques surprises. Réédition du "coup du FN" Mitterrandien par la droite, trop heureuse de mettre des bâtons dans les roues du PS, relayé par des médias "amis" ou sous influence? Actualité brûlante d'un capitalisme qui semble chanceler? Toujours est-il qu'Olivier Besancenot est, ces temps-ci, particulièrement "audible". Il faut dire que certains sondages le placent dans les sommets des "personnalités préférées" à gauche. Et les sondages, bien sûr, c'est sacré. On a donc entendu le "porte-parole" (pas de chefs, chez ces gens-là, c'est bien connu) de l'auto-dissoute LCR sur France Inter hier matin.
Au-delà de la forme (l'incontestable séduction qu'opère la rhétorique incisive du bonhomme), une chose m'a frappé, sur le fond, dans ce qu'a pu raconter Olivier Besancenot: j'y ai perçu un discours d'évitement. En clair, on n'admet pas les choses qui fâchent et, face à la réalité, on pratique le déni. Dans un cas ça reste bénin, dans l'autre c'est plutôt inquiétant.
Là où ça ne mange pas vraiment de pain, c'est lorsque, ayant conclu son analyse critique implacable - et souvent imparable - des dérives du capitalisme, ce cher Olivier en vient, sous les questions des journalistes, à nous expliquer le système alternatif dont il rêve. En toute logique, il devrait nous annoncer la fin de l'économie de marché, car au fond c'est bien de cela qu'il s'agit, au NPA comme dans certains "papiers" du Monde Diplomatique. Oui mais voilà, l'auditeur de France Inter n'est pas complètement abruti, et si on lui annonce ça tout de go, il va logiquement en déduire que Besancenot préconise l'économie administrée, et c'est moyennement "porteur", comme projet de société. L'auditeur de France Inter est pragmatique, il n'aimerait pas que l'épicier en bas de chez lui soit remplacé par un fonctionnaire en blouse bleue, comme en Corée du Nord. Alors on n'en parle pas: on parle plutôt d'une "économie planifiée non-bureaucratique", d'une économie qui serait "planifiée par le bas", au niveau des usines, tout ça. Historiquement, ce projet porte un nom: les soviets. Mais bon, on ne prononce pas ce genre de mot à une heure de grande écoute. De même qu'on évite d'appeler "communisme" la vilaine planification "par le haut": ne surtout pas injurier l'avenir, des fois qu'on puisse extraire quelques frères ennemis staliniens de l'immeuble effondré du PCF. Lorsque ce n'est pas vendeur, on évite d'admettre ce qu'on est - un partisan du Trotskisme, à savoir d'un Bolchevisme qui aurait raté le train de l'Histoire. Mais ce déni-là, tellement prévisible, c'est de la rigolade.
Plus grave est le discours du "porte-parole" lorsqu'on évoque ce qui est devenu l'"affaire Rouillan". Résumons: Jean-Marc Rouillan, condamné à perpète, comme se copains d'Action Directe, pour la mort de Georges Besse et du Général Audran, était en semi-liberté aprés plus de vingt ans de prison. Une fois sorti il a rejoint, comme simple militant, le "comité NPA" de sa région. Seulement voilà, ce régime de semi-liberté ne lui était accordé qu'à la condition qu'il ne s'épanche pas publiquement sur son passé. Las: lors d'une interview à l'Express et à Libération, il a jugé bon d'affirmer en substance qu'il ne regrettait rien de sa "lutte armée". Zou, le juge le remet au gnouf aussi sec. Et Besancenot de s'indigner qu'on emprisonne "quelqu'un qui a purgé sa peine" tout en jurant ses grands dieux que "la LCR a toutours désapprouvé la lutte armée en France et fortement critiqué Action Directe", ce qui est certainement vrai... mais la question n'est pas là. Ce qui est époustouflant, dans ce discours, c'est le vocabulaire employé: "lutte armée". A moins qu'on ne me prouve le contraire, en Droit, un meurtre avec préméditation s'appelle un assassinat. Et la personne qui commet ce meurtre, un assassin. Seulement tout se passe, chez Besancenot, comme si cette réalité-là, ces mots-là n'étaient pas prononçables. Tout ça parce que les illuminés d'Action Directe pratiquaient un verbiage pseudo-marxiste et s'étaient eux-mêmes convaincus que leurs actes constituaient un combat politique: Olivier, c'est plus fort que lui, ça lui "parle". Et lorsqu'on évoque la violence d'Action Directe il répond quelque chose comme "oui mais, la violence sociale...", comme s'il y avait égalité formelle entre un licenciement et deux balles dans la peau. Lorsqu'elle est sordide, on évite d'admettre la réalité. Que Rouillan ait été le bienvenu au NPA, c'était déjà suspect: on aurait pu le traiter comme un vrai musulman traite un allumé jihadiste - "ton islam est une caricature, barre-toi de ma mosquée". Mais qu'on prenne sa défense au nom d'une indulgence inavouée pour la "lutte armée", masquée sous une revendication de "justice", c'est carrément pathétique et ça n'a rien de rassurant.
Déroute en rase campagne des ultra-libéraux, socio-démocrates englués, dégradation de l'économie réelle (notamment pour ceux en bas de la pyramide!), mousse médiatique nourrie de sondages, habileté du personnage: toutes les conditions sont réunies pour un succès significatif de Besancenot. Nonobstant, de déni de soi en déni du réel, ce NPA est sans aucun doute anti-capitaliste, c'est certainement déjà un parti, mais il n'a rien de nouveau: les bolcheviks, on connait. Historiquement, ça commence par une colère juste... mais ça se termine toujours par du totalitarisme. Et, tout au long du parcours, une bonne dose de bêtise.
Allez, salut.
12 commentaires:
Salut Riwal,
Besancenot est le représentant d'une organisation sectaire qui refuse le jeu de la démocratie au travers de son principe fondamental qu'est la représentation nationale. Sa démarche avec le NPA est une évolution du principe d'action de la LCR sous le voile d'une certaine pluralité. Cet homme et ce qu'il représente est dangereux pour la démocratie car la crise actuelle va lui offrir une formidable caisse de résonance comme Le Pen a eu avec l'immigration il y a quelques années.
Restons vigilants
A+
Fred
cher Riwal, vous semblez tout ignorer de la pensée politique d'extrême gauche. Une planification par le bas n'est pas à mettre sous l'étiquette "soviets". A moins que vous considériez que les syndicalistes espagnols révolutionnaires de la CNT en 36 ait été soviétiques. Tout au plus vous auriez pu prendre la peine de vous renseigner sur les théories libertaires qui n'ont rien de soviétiques. Je ne pensais pas nécessaire de le rappeler mais c'est l'Armée Rouge soviétique qui fut en son temps responsable de la destruction de ce système de planification par le bas, sous prétexte d'unification de la lutte, de manière plus réaliste par ambitions impérialistes. De manière plus générale, l'histoire du soviétisme vous montrera très clairement la planification par le haut, notamment par Moscou et Le Parti.
D'autre part, que les membres d'Action Directe aient perpétré des meurtres, ainsi que des attentats, n'enlève rien au caractère politique de leur action. Ce caractère politique fut affirmé ne serait-ce que par l'Etat Français et sa Justice, lorsque des pratiques judiciaires d'exception (du fait de la considération terroriste de ce groupuscule) furent prises à l'encontre de ces memes membres d'AD.
Critiquez certes, mais s'il vous plaît, évitez de dire n'importe quoi, vous décrédibilisez votre propos qui peut parfois s'avérer intéressant.
D'accord sur le premier point, en ce sens qu'il convient d'etablir des nuances dans la pensee d'extreme-gauche, il y a je l'admets des differences entre les libertaires et les trotskistes... Les "autogestionnaires" du PSU consituant une autre nuance sur cette palette. Cela etant, la difference profonde entre un trotskiste et un stalinien ne tient pas a une conception differente des libertes individuelles ou collectives: dans l'un et l'autre cas on considere l'"organisation" comme une "avant-garde" (c'est l'essence me du bolchevisme = les minoritaires )et pour moi c'est la que commencent les derives totalitaires.
Sur le second point, je persiste et signe: AD etait une organisation criminelle, leur bla-bla "revolutionnaire" ne saurait le masquer. Le fait que l'Etat ait mis en place a leur intention une justice d'exception est sans aucun doute contre-productif a cet egard, mais si on se veut un militant politique respectable, quelles que soient les convictions qu'on defend, en democratie on appelle un chat un chat, et un assassin un assassin.
Bien entendu que ce sont des assassins! Mais ce serait réducteur de les cantonner à cette seule appellation. Et celà n'enlève cependant rien au caractère politique de leur lutte. Les assassins pullulent en politique; mais l'on aime stigmatiser que ceux qui dérangent. Quant au reste, on assassine au nom de la "démocratie", de la "justice", de la "liberté" (autant de concepts dépourvus de sens réel aujourd'hui) tous les jours, même en Europe. Le nier serait faire preuve, vous vous en doutez, d'un discours d'évitement. Alors à défaut d'accuser tous les criminels politiques d'assassins, je préfère n'en accuser aucun; c'est sans doute de la paresse mais la liste est trop longue.
Quant au point sur le trotskysme; il n'y sans doute rien d'hasardeux dans le fait que la LCR se soit auto-dissoute et que toute mention au "communisme" comme seule idéologie ait disparue officiellement dans les termes. D'autant qu'il existe trotskysme et trotskysme. La LCR n'a rien à voir par exemple avec LO. Le point positif du NPA est en effet le manque de précision de sa doctrine politique. On est loin, et on l'était également à la LCR, du trotskysme fanatique de LO. La LCR dans ses récentes années, à subit de profonds changements avec un élargissement de sa base électorale qui ne comprend plus seulement les fondations trotskystes, mais bien plus un électorat se réclamant du libertarisme et intégrant donc de multiples tendances. Marquer le NPA du seul sceau du trotskysme, c'est à mon humble avis être simpliste et à tort. Cette idée d'avant-garde prolétarienne, fondamentalement marxiste et léniniste, se retrouve principalement chez LO. Elle a perdu du poids à la LCR et l'élargissement du NPA à une base politique extrêmement diverse tendrait à le confirmer. Besancenot est certes flou sur sa théorie politique, et il est sans doute réaliste de dire que son discours change en fonction de son audience; mais de toute évidence, la seule considération de cette idée d'avant-garde, qui n'est plus aujourd'hui fondement de la pensée de Besancenot, est une simplification à outrance d'un phénomène de protestation politique multiforme - étant donné les nombreux appels de Besancenot à un mouvement politique par le bas; et non par le haut (cad l'élite éclairée) comme le voudraient les fondamentalistes trotskystes de LO. Le fait est qu'il est impossible pour le moment de juger ce nouveau parti du fait du manque de structure actuel.
En ce qui concerne les dérives totalitaires, je vous prie de m'excuser, mais l'historiographie de cette forme politique est suffisamment abondante aujourd'hui pour mettre en perspective une pensée aussi unilatérale que "communisme = totalitarisme". Encore faudrait-il savoir ce dont vous parlez lorsque vous dites "totalitarisme".
Pour ce qui concerne AD: parler de "lutte" a propos de leurs actes, cela releve au mieux pour moi de l'auto-suggestion, pour ne pas dire de l'aveuglement. Que je sache, la France des annees 70 n'etait pas une dictature militaire. Et quand bien meme: on sait comment les dictatures, sous toutes les latitudes, ont su instrumentaliser l'existence de groupuscules armes pour se justifier (cf l'Argentine et l'Algerie pour ne prendre que ces exemples).
Trotskysme: c'est vrai que la LCR n'est pas LO, vous auriez egalement pu citer la chapelle Lambertiste comme repoussoir. Cela etant pour ce qui est du NPA - et jusqu'a preuve du contraire - sa composante la plus structuree a ce jour est bien la LCR, meme dissoute, et la "nature" des organisations politiques a horreur du vide. On verra bien, dans la construction du programme politique concret - que le NPA va bien devoir entreprendre un jour - ce qui l'emportera, du corpus trotskyste ou des pulsions libertaires. Je peux me tromper, mais je parie sur le premier.
Pour ce qui est du totalitarisme, je suis loin de pretendre avoir parcouru la tres riche historiographie du communisme. Je m'en tiens aux faits: il n'est pas d'exemple historique ou geographique ou l'etablissement d'un regime inspire par le communisme n'ait debouche sur l'emprisonnement des opposants et le muselement de la presse. Dans certains cas (URSS, Chine) on a pousse "l'esprit revolutionnaire" jusqu'a commettre des massacres de masse. Les faits ont la tete dure, reste n'est que speculation ou litterature
On peut toujours invoquer les faits. Reste que ceux-ci ne sont jamais découverts complètement et qu'on leur fait dire ce que l'on veut. L'histoire est politique et vous ne viendrez pas me dire le contraire. L'objectivité que vous semblez proner n'existe pas et il est impossible de seulement jurer par les faits. D'autres, en d'autres temps, ont argumenté de l'infériorité de certaines "races" en invoquant la preuve par les faits. Que des chiffres existent certes, mais ils ne disent rien en eux-mêmes que ce que l'on veut bien y voir et la réalité est bien souvent plus complexe que l'image si limpide que l'on s'en fait.
La lutte n'a pas besoin de dictature pour exister; notamment si cette lutte a pour ennemi le capitalisme et la société bourgeoise, auquel cas il est partout et la lutte est bien réelle puisqu'il s'agit de détruire un système ou en tout cas de le menacer. J'ai la forte impression que vous avez une interprétation personnelle d'un certain nombre de concepts voire tout simplement de termes qui loin de vous placer dans l'argumentation politique vous emprisonne dans une doxa volante et imprécise. L'opinion a son intérêt certes, mais l'invoquer incessamment participe du niveau exécrable de la majorité de la presse francophone a grand tirage aujourd'hui.
Votre insistance à "assumer" - en la qualifiant de "lutte contre le capitalisme" - l'équipée sanglante d'Action Directe - ne laisse pas de m'étonner, mais après tout c'est votre choix.
Imaginons, pour un instant, que votre lecture soit juste: Action Directe est entré en guerre contre le capitalisme. Il se trouve que, de toute évidence, Action Directe l'a perdue, cette guerre. "I fought the law and the law won", chantait Joe Strummer du "Clash". Ils se sont tous retrouvés devant un juge, d'exception car le capitalisme a mis le paquet pour la gagner jusqu'au bout, cette guerre: pas question que le vaincu puisse relever la tête. Le capitalisme est méchant, quand on l'attaque, il se défend. Cela, les combattants d'Action Directe, en héros du prolétariat qu'ils étaient, devaient en être bien conscients, lorsqu'ils sont entrés dans la clandestinité de leur Sierra Maestra de banlieue parisienne, non? Alors je vous le demande: qu'est-ce que ça veut dire, cet appel à la clémence, à l'oubli, d'une justice comme chacun sait aux ordres de la bourgeoisie? Est-ce que Che Guevara a crié "pouce, je ne joue plus" lorsque l'armée colombienne lui est tombé dessus?
Plus sérieusement, la vérité, vous la connaissez aussi bien que moi: si Rouillan est retourné en taule, c'est parce que la famille de Georges Besse n'entendait pas que l'assassin de leur mari/père se pavane dans les médias en ressortant une "justification politique" de l'assassinat à froid de leur proche, même plus de vingt ans après. Et quiconque n'est pas aveuglé par les oeillères d'une idéologie racornie le comprendra aisément. Le respect dû aux victmes mis à part, que Rouillan finisse sa vie en taule ou au Bureau Politique du NPA, après tout on s'en fout. Mais qu'on cesse de nous pomper l'air de jérémiades autour du destin de ce vieux machin, qui naguère a joué un jeu de con, qui a perdu, et qui n'a toujours rien compris.
Quant à votre conception des "faits historiques" qui seraient, dites-vous, une illusion, ou à tout le moins, susceptibles d'être discutés car "ceux-ci ne sont jamais découverts complètement et qu'on leur fait dire ce que l'on veut", elle m'amène à vous poser deux questions:
- A quelle ideologie, à quel systême de pensée se référaient Staline, Mao Ze Dong et Pol Pot? Au conservatisme libéral, à la social-démocratie?
- Quelle est votre position sur l'extermination des Juifs? Diriez-vous là encore que "des chiffres existent certes, mais ils ne disent rien en eux-mêmes que ce que l'on veut bien y voir(...)"?
C'est çà le problème avec le révisionnisme: quand on commence, difficile de s'arrêter.
@Benjamin
Vous avez largement commenté un développement de faits du passé qui peuvent être regardés de différentes manières suivant sa place sur l'échiquier politique.
J'ai une question plus concrète sur l'avenir. J'aimerais savoir en quoi une doctrine d'extrême gauche (voir révolutionnaire) a la moindre chance d'être crédible dans un contexte ou:
1- Les initiatives de l'extrême gauche sont prises en excluant toute participation constructive à ce qui est le coeur de notre démocratie, à savoir la représentation par les élections (locales ou nationales).
2- Les propositions qui sont faites (au-delà de tout jugement de valeur) seraient inefficace si elles étaient prises dans un seul pays
Je serai donc heureux de connaître votre point de vue de manière pragmatique et si possible non idéologique.
Merci
Fred
@Fred: m'appuyant sur mes prejuges petit-bourgeois-socio-democrates, voila ce qui risque de t'etre repondu selon toute probabilite:
- la participation aux mecanismes democratiques "formels" (car sous le regne du capitalisme on ne saurait parler de democratie "reelle")n'est pas le seul moyen legitime de faire valoir son opinion: l'amplification et la fertilisation des luttes existantes est aussi un moyen de faire avancer les choses. Argument du moment: si le CPE a ete abandonne, c'est grace aux manifs et non a des elections. (Bon, en plus, ca les arrange, car meme s'ils font 12%, hein, ca ne fait pas une majorite)
- la demarche du NPA s'inscrit dans un vaste mouvement d'ampleur mondiale, genre Forum de Porto-Alegre. (Certes, sachant que l'extreme-gauche francaise a le plus grand mal a parler d'une seule voix, on imagine ce que ca peut donner si se melent au debat des militants de pays et de contextes politiques differents. Argument petit-bourgeois, te retorquera-t'on, ce mouvement mondial existe, la preuve en est ces precautions securitaires prises autour des sommets du G8 partout dans le monde)
Et toc.
Enfin moi, ce que j'en dis... On verra..
Riwal, arrête de siffler l'Internationale ou je te colle le politburo aux fesses.
Ahahah! Riwal tu as raté une place sûre dans le monde de l'animation comique. Comme d'habitude, les arguments de l'extrême gauche repris sont bien plus caricaturaux que leur réalité.
Tout d'abord, je serai bien en mal d'apporter une réponse, qui ne peut venir toute faite et invariable au fil des ans. D'autres part, Fred, me dire sans hésiter et sans me donner un seul exemple d'actions - que tu sembles pourtant considérer dans ton deuxième point - que toute mesure d'extrême gauche est inapplicable, c'est absurde. C'est absurde car par définition, l'impossible n'existe pas en politique. Tout dépend des moyens que l'on met à la disposition d'un programme, quel qu'il soit.
Pour ton premier point, il n'a selon moi, guère de valeur, sachant qu'allier le concept de démocratie et la situation actuelle de la majorité des pays modernes dits démocratiques ne fait aucun sens. Les élections locales ou nationales font parties du système de mandats représentatifs. Or, ces mandats représentatifs sont pour moi synonymes d'une oligarchie, voire d'une aristocratie démocratique qui ne se renouvelle que sur le long terme. Parler de démocratie dans un système où le bien public est moins important que l'appropriation du pouvoir et où le peu de volonté populaire d'en finir avec ce système généralisé d'avarisme politique ne rencontre pas ou peu de soutien, cela me paraît à tout le moins un peu contradictoire.
Cette critique de la démocratie n'est pourtant pas neuve et elle tend à se généraliser aujourd'hui, de deux côtés; côté libéral, qui remet en cause tout simplement le rôle de l'Etat et qui depuis longtemps, considérant la démocratie comme une oligarchie, soit désire la conserver pour conserver ses propres intérêts, soit être franc et cesser de parler de démocratie. Du côté "gauchiste", vous aurez déjà compris le point de vue.
Malheureusement, cette démocratie de façade arrange beaucoup trop les partis institutionnalisés dont Riwal ici présent est un des grands fans a priori si je ne me suis pas trompé. Car qu'est-ce que ce parti socialiste déjà mort si ce n'est le cadavre d'un parti tellement à la recherche du pouvoir et seulement du pouvoir qu'il n'accepte pas les faits dans leur ampleur certes légèrement déprimante mais bien réelle. Quant aux électeurs, dans tout ça, va savoir, ils ne représentent pas grand chose qui mérite d'être considéré, à part tous les 5 ans.
Je ne sais pas si je suis très clair, je ne suis pas trop du matin. Cependant la littérature, largement non gauchiste d'ailleurs, sur ce sujet est abondante et depuis bien longtemps.
Quant aux arguments apportés par Riwal, tu comprendras Fred que je ne désire pas trop m'y pencher, préférant pour ma part la réflexion à la réutilisation bête et méchante des pires arguments que l'on puisse trouver au sein d'un mouvement politique.
Ce qu'il y a de bien avec les socialistes quand même, c'est de réaliser avec quelle aisance ils manient à la fois le ridicule dont ils sont intrinsèquement affublés depuis quelques années déjà et la critique acerbe de ceux qui ne souffrent pas encore de la décrédibilisation dont ils sont les principaux sujets.
Au moins, c'est une chose qu'on ne peux pas leur enlever; sans eux, on rigolerait moins.
"Plumer la volaille social-democrate", c'est bien la un des objectifs de la gauche "revolutionaire", ou je me trompe? Ne t'inquiete pas, Benjamin, tu es tres clair.
Philippe Val, dans une de ses chroniques titree "Les traitres et les cretins" (publiee dans le recueil du meme nom), relevait avec bien plus de talent que je ne saurais le faire l'affrontement historique entre la gauche reformiste (les "traitres") et la gauche revolutionnaire (les "cretins"). Il y notait, entre autres, que les grandes avancees sociales du vingtieme siecle (des avancees concretes) etaient le fait de la gauche bourgeoise et reformiste (Jaures, Blum, Mendes-France, Mitterrand, Rocard), tandis que les obsedes de la "purete revolutionnaire" se cantonnaient dans l'invocation inepuisable d'une perfection inaccessible. De fait, et prenant en compte le bilan historiquement sanglant des "revolutionnaires", il assumait sans complexe sa position de "traitre". Ce point de vue est egalement lucidement expose dans l'excellente "Histoire de la Gauche Caviar" de Laurent Joffrin. Point de vue auquel, tu l'auras compris, je souscris.
Cela etant dit, je t'accorde volontiers que le PS est, a l'heure ou nous ecrivons, bien en peine de porter ce reformisme - entre autres a cause de sa profonde deconnection du monde du travail, en clair de la "classe ouvriere", comme vous dites. Au moins, cependant, a t-il vocation a exercer des responsabilites gouvernementales et donc a agir, ce que la "gauche de la gauche" bien evidemment se refuse a envisager car, bien sur, il ne saurait etre question de se "compromettre", de mettre les mains dans le cambouis. Une illustration de ce refus de "reformer le capitalisme de l'interieur": il y a quelques annees, la mise en place de la taxe Tobin fut proposee au vote au Parlement Europeen. Il s'en fallut de quelques voix qu'elle ne fut adoptee, et parmi ces quelques voix manquantes on releva celles des deputes LCR et LO, pour une fois d'accord entre eux.
Alors tu as bien le droit de rigoler et de trouver ma prose comique. Mais a un moment il faut choisir: soit on s'incrit dans le jeu democratique, aussi imparfait soit-il, soit on s'en exclut en ricanant. Mais une election, ce n'est pas un sondage grandeur nature pour "se compter": c'est la designation de personnes appelees a prendre des responsabilites.
Je note, au passage, que tu n'as pas repondu aux deux questions que je te posais plus haut... ni a celles de Fred, en definitive.
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