mercredi 5 novembre 2008

Yes, They Can?

Le spectacle de l’actualité m’incite d’ordinaire plus souvent à l’ironie – sinon à la colère - qu’à l’enthousiasme. Mais là, je dois l’admettre - au risque de me fondre dans un large troupeau consensuel: on peut dire que l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis est vraiment une bonne nouvelle.
D’abord, bien sûr, il y a cet événement qui il y a peu relevait du doux délire ou de la fiction hollywoodienne: un Noir à la Maison-Blanche. Contre tous les cynismes, l’Amérique « walks the talk » et tient symboliquement sa promesse du E pluribus unum. Au siècle dernier, lorsqu’existait encore le bloc soviétique, il y avait une rengaine qu’entonnaient systématiquement les communistes dès lors qu’on critiquait l’URSS : « Oui, mais, regardez les Noirs aux Etats-Unis… ». C’était à leurs yeux un argument imparable, censé clouer le bec à ceux qui, tout bien pesé, se sentaient mieux de ce coté-ci du mur de Berlin. Alors bien sûr, la question raciale n’a pas été réglée d’un coup de baguette magique. Mais cette élection met en lumière un fait que l'on pouvait pressentir : la question de la couleur de peau est désormais secondaire aux Etats-Unis. S’il existe de l’autre côté de l’Atlantique des injustices à combattre, celles-ci se situent dorénavant principalement dans l’aire du social : ça tombe bien, Barack Obama est démocrate, c’en est a priori fini là-bas des politiques de redistribution des revenus du bas vers le haut.
Ensuite, et nonobstant les appels du vainqueur de ces élections à une sorte de réconciliation nationale, on ne peut que se réjouir de la formidable déculottée reçue par la clique de culs-bénits va-t-en-guerre à la tête de la première puissance mondiale depuis huit ans. La crise financière et ses ondes de chocs redoutables dans l’économie réelle auront eu raison de l’illusion néoconservatrice : vendre aux pauvres une aggravation de leur pauvreté sous l’emballage d’un patriotisme benêt. Un « businessman » écrasant tout sur son passage, se rêvant la Bible d’une main, une Winchester de l’autre, telle était la figure indépassable du Bushisme. Ce raz-de-marée du 4 Novembre 2008, c’est la revanche de Robert Redford sur Chuck Norris, de Bob Dylan sur Dolly Parton. L’irruption dans la campagne de « Whoopie-la-Reine-des-Glaces » (l’expression est d’un éditorialiste de l’International Herald Tribune) – l’impayable Sarah Palin – aux côtés de John Mac Cain n’aura au fond que clarifié l’enjeu de l’affrontement. En choisissant cette caricature de l’Amérique « authentique » (comrprenez: ignorante du reste du monde et fière de l'être) comme colistière, Mac Cain annonçait la couleur : « vous avez aimé George W. Bush et son allure de simplet, vous adorerez Sarah Palin et son look de démarcheuse de chez Amway». Le candidat Républicain a ouvertement pris ses concitoyens pour des demeurés, qu’ils s’en soient massivement aperçus est on ne peut plus rassurant.
Enfin il y a ce que disait un New-Yorkais sur Times Square la nuit dernière, au fil d'un micro-trottoir : « maintenant, nous n’allons plus être détestés par le reste du monde ». A priori, on pourrait se dire que l’image de l’Amérique est avant tout le problème des Américains, et que bien fait pour leur gueule, ils n’avaient qu’à pas réélire George Bush . Il n’empêche que, volens nolens, il est de nombreuses parties du monde où on a vite fait de fourrer Européens, Américains, Canadiens, voire Australiens et Néo-Zélandais dans un même sac détestable baptisé « Occidentaux ». On ne s'étalera pas sur les raisons historiques et culturelles de cet amalgame, on notera simplement qu'il n'est pas innocent qu'Al Qaida ait récemment fait savoir qu'elle souhaitait la victoire de Mac Cain. Alors oui, il y a fort à parier qu'avec Obama à sa tête, l'Amérique va radicalement changer son image dans le monde. En tout cas dans ce qu'on appelle "les grandes lignes".
Car - et c'est un bémol de taille - rien n'indique dans les discours du candidat Obama le début du commencement d'une inflexion dans la politique américaine à l'égard du conflit israélo-palestinien. Or ce conflit a un caractére central, nodal: tant que durera l'injustice objective faite aux Palestiniens - le déni de la terre, de l'eau, de la dignité - se trouvera un allumé pour semer ou encourager la mort et la destruction dans cette minuscule partie du monde. On sait qu'Ahmadinedjad, Bachar El Assad, Kadhafi, Ben Laden et bien d'autres de leurs "défenseurs" se foutent du sort des Palestiniens comme de leur première Kalashnikov, mais la persistance de cette "cause" donne de l'écho à leurs diatribes. Jusques et y compris sous nos latitudes, où l'antisémitisme sous couvert d'antisionisme n'est pas qu'un fantasme à la BHL. Or à la source du blocage actuel il y a, côté Israélien, l'impasse politique à laquelle conduit la représentation proportionnelle à la Knesset: après un mois de tractations, Tzipi Livni a renoncé à s'allier avec le Shas (Droite Religieuse, farouchement opposé à un accord avec les Palestiniens, 10% des députés) et a appelé à des élections anticipées en Janvier prochain. Elections que, selon les sondages, le Likoud de Netanhyahou est susceptible de gagner: la "relance du processus de négociation" est a priori mal barrée. Le Hamas, le Hezbollah et tous ceux qui se nourrissent des frustrations palestiniennes ont de beaux jours devant eux. Seuls les Américains sont en mesure, par leur influence, de changer la donne: or si la politique étrangère américaine persiste, comme au cours des huit années qui viennent de s'écouler, à appuyer aveuglément toutes les prises de position du gouvernement Israélien, même les plus désastreuses - dictées par une minorité d'"ultras" à une majorité qui n'en peut mais, on ne doit pas donner cher de l'"image de l'Amérique" à court- ou moyen-terme, Obama ou pas.
Yes, We Can: ce slogan optimiste a emporté une large majorité d'Américains dans un élan historique. Nous pouvons élire un Président métis, immigré de la deuxième génération, nous pouvons renvoyer les néocons à l'asile d'aliénés dont ils n'auraient jamais dû sortir, nous pouvons donner un coup d'arrêt à la Finance devenue démente, nous pouvons remettre à plat notre modèle de société, nous pouvons regarder le monde autrement que comme un océan hostile. Vu l'état de délabrement dans lequel George Bush laisse l'Amérique à son successeur, ils n'en auront que trop besoin, de cet optimisme. On ne peut que souhaiter qu'il leur en reste suffisamment pour peser, de tout leur poids, en vue d'éteindre le feu qui couve du côté du Jourdain.


Yes, We Can? Chiche!


See you, guys

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Yes we can...but we are American.

Je pense aussi que c'est une très bonne nouvelle et une preuve d'ouverture. Toutefois, nous devons nous préserver de passer d'un extrème à l'autre et garder à l'esprit que Barack Obama est américain, élu par le peuple américain pour défendre et faire prospérer les intérets et la culture américaine.

Je n'ai pas le sentiment que Monsieur Obama soit prêt à accepter que les Nations Unis aient un droit de regard sur la politque étrangère des US.

Mais au moins, il peut être à l'origine d'une dynamique positive.

Fred

Catherine a dit…

Par ailleurs, s'il compte quitter l'Irak (sous 16 mois) il souhaite poursuivre les hostolités en Afghanistan en renforçant les troupes américaines. J'ai peur qu'on attende trop de lui sous prétexte qu'il représente une révolution. Mais les fonds de pension US , dévastateurs en France (vente à la découpe, notamment) existeront toujours. M'enfin, comme le chante Lulu "Ooo-bama, toujours toujours là pour moi" (sur l'air de la pub Groupama)

Nathalie a dit…

Salut Riwal
Tu as eu raison de te rallier a la multitude, car pour une fois je suis totalement d’accord avec ton article, bien qu’il traite de politique internationale…c’est le premier miracle de l’effet Obama, sans doute.-;)
Blague dans le coin, oui c’est un moment historique à saluer haut et fort, et le 21e siècle commence dès aujourd’hui. Parce que ces gens ont su dépasser la notion de race pour choisir les compétences qui leur paraissaient les plus adéquates - en pleine prospérité, ce vote symbolique aurait-il eu lieu ?
On peut se demander dans quel autre pays occidental un tel événement serait possible : voyons voir, euh…en Islande peut-être ? Certainement pas en France, ce beau pays qui fait tout un foin quand on nomme un présentateur noir au JT de 20h. Enfin les médias de ce pays, parce que les téléspectateurs n’y seraient pas si opposés, à mon humble avis. Et la liste est longue des rôles que ta couleur de peau ou ton nom à coucher dehors t’empêchent d’exercer.
Alors après avoir croisé les doigts pour la victoire d’Obama, je croise les doigts pour que cet état d'esprit déteigne ici aussi et qu’on puisse voir sans tiquer un noir à la télé (voire même: un Arabe !), une femme Président de la République et ainsi de suite…Yes we can !
So long.