mardi 16 mars 2010

Régionales: "crise de leadership toi-même!"

Que n'a-t'on lu ou entendu, depuis deux ans, sur la "crise du leadership au PS"? Toutes ces doctes analyses sur "la conjuration des ego", le "combat des chefs" ou "l'affrontement des éléphants" sont bien souvent pertinentes et entretiennent, à juste titre, une sinistrose dévastatrice au sein du Parti Socialiste ou de ses sympathisants. Ce faisant, implicitement ou explicitement, elles soulignent, par contraste, l'éclatante absence d'un tel problème à droite.
De ce côté-là de l'échiquier politique les choses sont claires: Nicolas Sarkozy donne le la, et à lui seul constitue l'alpha et oméga de la stratégie, de la tactique et de l'action politiques. Dans la Chine des années 60 le militant communiste suivait la ligne "Marxisme-Léninisme-Pensée du Président Mao", dans la France de 2007-2009 le militant UMP se doit de mettre en oeuvre le "Libéralisme-Populisme-Pensée du Président Sarko". Pas la peine de s'enquiquiner avec des débats, des affrontements, ne parlons même pas d'élections primaires: la "synthèse", asymptote fantasmée lorsqu'on est au PS, se forge à l'UMP au sommet de la pyramide hiérarchique, jour après jour. Reste à en saisir les nuances puis à diffuser celle du moment - en attendant la suivante. Fastoche et confortable, somme toute, la vie de militant ou de responsable politique, quand on a un vrai leader.
Au vu des résultats du premier tour des élections régionales cependant, il y a tout lieu de croire qu'à l'UMP on va devoir sortir de cette zone de confort: le leader, naguère infaillible, s'est fourré le doigt dans l'oeil. Le leader, naguère brandi comme un étendard, est devenu un épouvantail. C'est bel et bien à une crise de leadership qu'on assiste à droite. Et une sévère.
L'alchimie Sarkozyenne, furieusement gagnante en 2007 et au delà, s'articulait autour de quatre axes principaux:
  • L'invention d'une convergence d'intérêts entre patronat et salariés autour de la "valeur travail"
  • L'affichage d'une volonté de "modernisation" des services publics
  • L'exaltation de préoccupations sécuritaires et "identitaires"
  • L'absorption ponctuelle et ciblée de personnalités et de thèmes de gauche ou supposés tels

Ces quatre éléments se complètent: le troisième permet de faire passer la pilule des deux premiers - notamment, suivez mon regard vers le borgne, auprès de "l'électorat populaire", tandis que le quatrième occupe les journalistes et déstabilise publiquement l'adversaire - noyant les inévitables imperfections des trois précédents sous un bruit médiatique opportunément dérivatif.

La mise en avant tonitruante et permanente de la personne même du candidat, puis du président, a permis de diffuser cette tétralogie de telle façon qu'opposants et même partisans se sont trouvés tétanisés. Tandis que les premiers devinrent inaudibles, les seconds furent irrémédiablement transformés en godillots.

Seulement voilà, la machine s'est visiblement grippée. Tandis que la "convergence" espérée s'est transformée, la crise aidant, en quasi-guerre sociale, tandis qu'en fait de "modernisation" on perçoit volontiers une paupérisation des services publics, l'échec patent du "package" sécuritaire, le pathétique achevé du "grand débat sur l'identité nationale" et la banalisation d'une "ouverture" devenue pure gesticulation (qui se soucie de Michel Charasse ou de Didier Migaud, franchement?) ont rompu l'équilibre du bel édifice. Dès lors, l'omniprésence médiatique de Sarkozy est contre-productive: elle n'est qu'agitation, même le plus stupide des anciens électeurs Frontistes et a fortiori le moins civique des abstentionnistes chroniques peut s'en apercevoir.

Quels que soient les résultats du 21 mars, ce premier tour des élections souligne la vacuité d'un "business model" qu'on nous avait naguère décrit comme imparable dans le contexte d'une présidentialisation du régime: tout miser sur la personnification, l'incarnation du projet politique. En tout état de cause, il s'avère qu'un projet politique doit également comporter une part significative d'intelligence collective s'il veut résister aux épreuves du temps. En clair: l'affichage d'une équipe qui, par moments et sur des sujets sérieux, ne parle pas d'une seule voix, n'est pas nécessairement une tare. J'en veux pour preuve l'attelage hétéroclite d'Europe Ecologie, tout-à-fait capable de porter une candidature Cohn-Bendit "au cas où". Car ce n'est pas un scoop, toutes les élections ne sont pas présidentielles, et un succès à cette consultation ne garantit rien pour les suivantes. C'est pour l'avoir oublié qu'un Bayrou a été rayé de la carte. Ségolène Royal, qui se verrait volontiers en femme providentielle omnisciente, serait également inspirée d'en rabattre sur sa "destinée manifeste".

Quant à l'UMP, elle se retrouve à poil. Commentant les résultats du premier tour, Rachida Dati a déclaré: "Il faut revenir à nos fondamentaux". Ah bon. Mais quand "les fondamentaux" sont exclusivement faits des affichages successifs et contradictoires d'un leader déconsidéré, vers quoi revient-on? Godillot, c'est un statut très reposant, intellectuellement parlant. C'est rassurant. Jusqu'au jour où celui qui mène le défilé se met à déconner ferme.

Ciao, belli

3 commentaires:

Arnaud-Carr�re a dit…

OK, mais la victoire du PS ne change rien à leur problématique de fond. Qui mettre en avant en 2012 ?
Tant qu'ils n'auront pas fait cela, c'est perdu. En fait pour 2012 c'est déjà perdu.
Quant à EE, DCB n'ira pas et le candidat EE ne vas pas dépasser les 10 %.
Gilles

Riwal a dit…

Je ne serai pas aussi categorique que toi quant a l'incapacite du PS de presenter un(e) candidat(e) credible dans les 2 ans qui viennent. Par ailleurs, peu importe que DCB y aille ou pas.

Le message que je voulais faire passer, c'est qu'avoir un super-leader derriere lequel tout le monde s'aligne, c'est au moins aussi casse-gueule que de ne pas en avoir du tout.

Anonyme a dit…

En tant qu'électeurs de gauche, ne boudons pas notre plaisir mais ne succombons pas pour autant à la tentation de l'euphorie post-premier tour.
J'apprécie la tournure des évènements qui, sans évacuer le débat, démontrent 4 phénomènes qu'on pouvait préssentir et qui semblent s'imposer :
- la gauche n'avait, n'a et n'aura aucun intérêt à s'allier avec les "forces centristes". Il y a bien un clivage gauche/droite, ses formes évoluent, mais "le milieu, c'est pas merveilleux"
- les électeurs sont de moins en moins nombreux quelle que soit la nature de "l'offre politique". Et en plus, environ 10% d'entre eux trouveront toujours un parti trublion pour exprimer leur désarroi, leur colère ou leur connerie. Sauf à réellement considérer que c'est un danger pour notre belle démocratie, et donc agir en conséquence, autant le prendre comme un fait accompli de la démocratie contemporaine.
- l'écologie est à gauche, contrairement à ce que prétendent les démocrates mous du rable (comme le développement). L'écologie politique est nécessairement progressiste et transformatrice, et n'est défintivement pas libéralo-compatible
- le mythe de l'homme ou de la femme providentiel(le) atteint nécessairement ses limites. Heureusement pour nous, le suffrage universel évite le naufrage totalitaire que d'autres pays européens ont connu au siècle dernier.

Après, on est en Mars 2010, alors le nom du candidat PS à la présidentielle de 2012...who cares ?

Etienne