Des tombes à perte de vue, que dominent des "stars and stripes", alignées sur la vieille terre normande. L'image - le cliché - est au coeur d'une mémoire régulièrement ravivée ("Saving private Ryan", "Band of brothers"), celle du sacrifice de milliers de soldats américains pour débarrrasser le continent européen du nazisme.
L'exaltation de cette mémoire, observera-t'on, occulte singulièrement les quelques vingt millions de morts dont les Soviétiques durent faire le deuil pour contenir, puis balayer l'armée allemande jusque dans les ruines de Berlin. Il n'empêche que la dette historique de l'Europe d'aujourd'hui vis-à-vis de l'Amérique est indéniable et, à cet égard, le "US go home" que vociféraient les communistes français à la fin des années quarante était presque aussi indécent que ne l'est, aujourd'hui, la profanation de tombes musulmanes dans les cimetières militaires.
C'est au nom de ces tombes blanches bien alignées, au nom également du (plus controversé) "bouclier" qu'elle constituait durant la guerre froide que l'Amérique peut volontiers se voir comme la "nation indispensable", pour reprendre la formule de l'ancienne Secrétaire d'Etat Madeleine Albright. Ce concept fut développé, dans les discours néo-cons post-11 Septembre, dans le cadre de la théorie de "l'impérialisme bienveillant", en substance: "Certes l'Amérique développe et emploie si nécessaire la plus formidable puissance militaire ayant jamais existé, mais ce n'est jamais dans un but de domination ou d'oppression. Le monde est un chaos, de multiples dangers en menacent la paix et et la prospérité. Seule l'Amérique est en mesure de régler ces problèmes, d'ailleurs c'est un devoir qui lui incombe - someone's got to do the job". L'élection de Barack Obama a salutairement éloigné pour un moment les néo-conservateurs des manettes de commande, cependant la tentation de se poser en pays "providentiel" sur la scène diplomatique mondiale reste toujours vivace. En particulier, la "nation indispensable" s'est assigné la mission de régler le conflit israélo-palestinien et le Département d'Etat, sous la férule d'Hillary Clinton, se pose en "sponsor" des actuelles discussions entre Benyamin Netanyahu et Mahmoud Abbas.
Ces discussions, on le sait, sont dans une impasse totale et les colonies de Jérusalem-Est et de la Cisjordanie constituent un obstacle incontournable, tant elles compromettent la viabilité d'un éventuel "Etat Palestinien". Dans l'état actuel des choses, la Palestine, disposât-elle d'un siège à l'ONU, jouirait d'une continuité territoriale comparable à celle des Philippines: un archipel, sans même le bénéfice de pouvoir librement circuler d'une île à l'autre.
Or le gouvernement israélien actuel, coalition de droite et d'extrême-doite, pour autant qu'il en ait la volonté, ne saurait remettre en question le "grignotage" patient du territoire palestinien par la colonisation ni, bien sûr, les "mesures sécuritaires" qui vont avec (check-points, présence militaire, « mur de sécurité » etc…) tant sa pérennité repose sur le soutien des « ultras » de la colonisation, religieux ou laïques. Mieux : le gouvernement Netanyahu, comme tous ceux qui l’ont précédé depuis l’assassinat d’Ytzhak Rabin, est davantage disposé à « gérer » le conflit qu’à le résoudre, fort de l’indéniable supériorité militaire israélienne. D’où la reprise officielle, vendredi dernier, de la colonisation à Jérusalem, comme si de rien n’était ; d’où l’exigence, un peu plus tôt dans la semaine, de la reconnaissance par l’Autorité Palestinienne d’Israël comme « Etat Juif » (nonobstant les 20% d’Arabes musulmans ou chrétiens qui le peuplent, nonobstant ses centaines de milliers d’immigrants russophones à la judéité parfois contestable), exigence qui, à juste titre, a été considérée comme « hors sujet » par les négociateurs palestiniens.
Alors quoi ? Alors, rien. Le Département d’Etat a fait part de sa « déception ». L’organisateur des discussions voit ses efforts torpillés par la mauvaise volonté manifeste d’une des parties, il est juste « déçu ». Pourtant l’administration Obama aurait tout intérêt à ce que des avancées significatives soient enregistrées dans le dossier Israélo-Palestinien. D’abord parce que la persistance de ce conflit donne des arguments à tout ce que le Proche-Orient compte de va-t-en-guerre (ou de va-de-la-gueule) parmi les islamistes radicaux chiites ou sunnites – des ennemis déclarés de l’Amérique. Ce n’est certainement pas une coïncidence si Ahmadinedjad a décidé de faire une tournée au sud-Liban la semaine dernière, en profitant pour gratifier les médias de vociférations exterminatrices à l’égard d’Israël. Ensuite parce que, cyniquement, les élections du « mid-term » s’approchent à grands pas et un succès diplomatique visible dans cette partie du monde – ne fût-ce que le début d’une solution – ne saurait déparer le bilan de cette administration.
Oui, mais il y a le tropisme historique pro-Israélien de la diplomatie américaine. Cette « relation privilégiée » qui justifie toutes les circonvolutions diplomatiques – n’est ni une nouveauté ni un scandale en soi: elle contredit, simplement, l’ambition du Département d’Etat de jouer les arbitres entre Israéliens et Palestiniens. Si d’aventure Serbes et Albanais du Kosovo se réunissaient autour d’une table pour discuter l’avenir institutionnel de leur territoire, ces derniers seraient en droit de se sentir floués si cette réunion se déroulait sous l’égide de la Russie. Dans le cas qui nous occupe, quelle crédibilité peuvent bien accorder les Palestiniens à la neutralité des Américains ? La même que les Albanais accorderaient à celle des Russes. Pour prétendre à la neutralité dans cette affaire, l’Amérique se devrait d’exercer des pressions considérables sur son allié israélien. Seulement voilà : pour ce faire, il faudrait passer outre l’AIPAC (American-Israeli Political Affairs Committee), très actif au Congrès, et, bien plus tangible en termes électoraux, ignorer une frange importante des chrétiens fondamentalistes, qui voit dans le sionisme l’annonce de la Fin des Temps. Il faudrait passer outre des décennies d’alliance politique et militaire, passer outre des décennies d’expiation d’une « faute originelle » : durant toute la seconde guerre mondiale, l’Amérique accorda en tout et pour tout 3000 visas pour les Juifs d’Europe persécutés. L’AIPAC, d’ailleurs, champion toutes catégories dans le franchissement du « point Godwin », ne manque pas d’agiter le drapeau de l’Holocauste dès que se formule, en Amérique, le moindre début de commencement d’une critique publique de la politique Israélienne – fût-elle largement en deçà des éditoriaux du quotidien israélien "Haaretz". Pour cela, il faudrait passer outre les réticences affichées à exercer des pressions sur un gouvernement démocratique – réticences nettement moins manifestes, notons le, lorsqu’il s’était agi de « convaincre » Polonais et Tchèques d’accepter le bouclier anti-missiles.
L’Amérique, donc, n’est pas qualifiée pour jouer les arbitres.
Pire: son soutien inconditionnel à la politique israélienne – même, comme aujourd’hui, lorsqu’elle est inspirée par l’extrême-droite la plus obtuse – donne légitimement aux dirigeants israéliens le sentiment d’avoir carte blanche sur à peu près tout. Et légitime, en retour, la posture d’un Ahmadinedjad, qui s’effondrerait comme un soufflé n’était l’alibi du « soutien aux Palestiniens ». Idem pour la question du nucléaire iranien, qui sera toujours sur la table tant qu’Israël se considérera « hors catégorie », seul Etat ayant le « droit » de posséder des bombes atomiques dans la région, fort de l’accord tacite du Département d’Etat.
Dès lors, la « nation indispensable » devrait en l’occurrence être qualifiée de « nation catastrophique », ou tout au moins de « dispensable » (anglicisme), sa diplomatie faisant davantage partie du problème que de sa solution éventuelle.
Pire: son soutien inconditionnel à la politique israélienne – même, comme aujourd’hui, lorsqu’elle est inspirée par l’extrême-droite la plus obtuse – donne légitimement aux dirigeants israéliens le sentiment d’avoir carte blanche sur à peu près tout. Et légitime, en retour, la posture d’un Ahmadinedjad, qui s’effondrerait comme un soufflé n’était l’alibi du « soutien aux Palestiniens ». Idem pour la question du nucléaire iranien, qui sera toujours sur la table tant qu’Israël se considérera « hors catégorie », seul Etat ayant le « droit » de posséder des bombes atomiques dans la région, fort de l’accord tacite du Département d’Etat.
Dès lors, la « nation indispensable » devrait en l’occurrence être qualifiée de « nation catastrophique », ou tout au moins de « dispensable » (anglicisme), sa diplomatie faisant davantage partie du problème que de sa solution éventuelle.
On rêverait que l’Europe prenne le relais. Mais il faudrait pour cela que ses dirigeants aient une carrure historique. On en est loin, de Paris à Berlin, Rome, Londres ou Varsovie. Médiocrité désespérante des uns, partialité incurable des autres: les aigreurs d’estomac que peuvent lui donner le Proche-Orient, l’Occident les a bien méritées.
See you, guys
1 commentaire:
Si on analyse objectivement les conditions qui ont conduit à la seconde guerre mondiale, il est clair que le « US GO HOME » vociférés par certains, ne sont pas du tout indécent. Bien que la presse française largement muselée par l’oligarchie financière, n’en parle pas, Wall-Street et la FED ont largement contribué à l’ascension du fascisme en Europe, pour le comprendre il suffit de lire les bouquins d’Anthony C. Sutton. Étant donné que le Néron black de Washington a été élu par Wall-Street et pour Wall-Street, on se demande bien comment ce brave homme, qui n’est que le jouet de l’aristocratie bancaire pourrait décider quoi que ce soit, en regard à la situation palestinienne ? Comme vous le sous entendez, si justement l’AIPAC et les autres lobbies sionistes, ne lui en laisseraient pas la possibilité, de toute manière !
On peut imaginer que la chute de l’empire U.S toute proche désormais, permettra peut-être à la paix de retourner en Palestine. Ni les USA anti-palestiniens viscéraux, ni la bureaucratie européenne (toutou de Washington), qui ressemble de plus en plus à l'URSS de Brejnev, ne changeront quoi que ce soit en Palestine. Ce qui pourrait changer la donne, c’est par exemple l’opposition israélienne, qui réfute la politique colonialiste de la Knesset. Le fait que les USA ruinés, ne pourront pas financer éternellement Israël pour faire la police en Palestine, est aussi un facteur à prendre en compte. Il ya aussi le fait que des pays comme la Turquie, l’Iran, la Jordanie et le Liban n’auront pas trop de mal à convaincre les saoudiens, qu’avec un pétrodollar qui ne vaut rien, il est préférable de les rejoindre au risque de finir isolés, la faillite de Dubaï, qu’Abu Dhabi ne veut plus financer en est un exemple frappant ! Enfin il y a le facteur démographique, 4 palestiniens pour un israélien, qui n’est pas à négliger, le nombre à aussi son importance. Je souhaite pour les israéliens comme pour les palestiniens que cette guerre prenne fin mais je doute que les occidentaux puisse y faire quelque chose.
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