Nicolas Sarkozy aimerait bien qu'on le perçoive comme quelqu'un qui fait de grandes choses. Qu'on se souvienne de lui comme d'un Président qui aura marqué la France d'empreintes dignes des livres d'Histoire. Mais c'est plus fort que lui: tout ce qu'il touche tourne au riquiqui, au mesquin, voire au ridicule. Bon, sur l'Europe, il avait annoncé la couleur (voir article précédent): ça serait un "mini-traité" mais qui, comme le célèbre détergent, ferait le maximum. De fait, il est tellement mini, mini, mini, que l'histoire est déjà finie.
Mais prenez l'audiovisuel: moi-même je m'étais dit "en-voilà-une-idée-qu'elle-n'est-peut-être-pas-si-mauvaise", (cf. http://helvetia-atao.blogspot.com/2008/01/le-chanoine-et-les-tartuffes.html). Au temps pour moi, comme disent les adjudants-chefs de l'Armée de Terre: il s'avère qu'en tout état de cause l'enjeu de cette "grande" réforme consiste à gentiment priver l'audiovisuel public de ressources pérennes au nom d'économies de bouts de chandelle, de s'en assurer le contrôle politique et, en parallèle, de sécuriser les revenus de TF1, c'est-à-dire de l'ami Martin Bouygues. Tout cela contribue à faire ressembler la République Française à sa caricature, à savoir: une république bananière sans bananes.
Ne parlons pas d'Ingrid Bétancourt ou de la croissance, l'une qu'il ferait tout pour libérer, l'autre qu'il irait chercher "avec les dents", et inversement. Même si l'agitation brownienne de Sarkozy sur l'affaire Bétancourt n'est certainement pas pour rien, in fine, dans la mise en place et la réussite de l'opération militaire qui l'a libérée, même si l'on ne peut imputer au gouvernement français la flambée des prix du pétrole et des matières premières, il y a comme du racornissement des ambitions dans l'air. Président du pouvoir d'achat, certes, mais d'un petit pouvoir d'achat, qui ne va pas en s'agrandissant d'après ce qu'on en sait.
Face à ce grave syndrome de rétrécissement des ambitions politiques, le PS, opposant en titre, a enfin donné de la voix. Enfin une voix, pour être plus précis, offerte comme sur un plateau à la majorité: celle de Jack Lang, seul parlementaire du Parti a avoir voté aujourd'hui la réforme de la Constitution de la Vème République, voulue par le Président. Permettant à ce vote des deux Assemblées d'atteindre des dimensions Sarkozyennes en diable: ric-rac. La majorité des 3/5èmes du Congrès est de 538 voix, grâce à Jack Lang la réforme est votée à 539 voix. Autant dire un plébiscite.
Le paradoxe, c'est qu'on entend déjà barrir les éléphants et éléphanteaux sur le thème "sois maudit, Ganelon": Julien Dray annonce dès ce soir sur Libération.fr que Jack Lang est "seul face à lui-même". Fichtre. D'ici à ce qu'on fasse entonner par un choeur de militants lors du prochain congrès de Reims "Hit the road, Jack, don't you come back no more, no more, no more, no more", il n'y a pas des kilomètres.
Et pourtant... Qu'a fait Jack Lang sinon souligner, par son vote solitaire, l'extrême petitesse de l'entreprise Sarkozyenne? S'il avait voté contre, la réforme passait quand même, et on aurait dit: "grâce à sa majorité indiscutable, Nicolas Sarkozy modifie la constitution", même si ladite majorité n'a pas été unanimement convaincue (il manque quelques voix pour que le compte y soit). Là, on dira: "la majorité de la majorité, plus Jack Lang (et le PRG, mais bon, hein, le PRG...), approuve la révision constitutionnelle". Avec tout le respect qu'on doit à l'inventeur de la Fête de la Musique, sa présence parmi ceux qui ont voté "oui" ne suffit pas à elle seule à claironner haut et fort qu'on a fait "bouger les lignes": un Jack Lang tout seul, ça fait un peu court comme élargissement. Moi je dis que le député de Boulogne (-sur-Mer, on ne fait pas toujours ce qu'on veut) a fait de l'excellent boulot, si on y réfléchit bien.
Sur le fond: déjà s'annonce la ritournelle que vont émettre en boucle les responsables UMP, à savoir que le PS a refusé de voter une "avancée démocratique historique" et gna-gna-gna. Le fait est qu'à un moment donné le Bureau National du Parti - le "Politburo" comme le disait ce soir Jean-François Copé sur France 2 (ce type a un humour, un ton, une allure qui me rappellent inévitablement certains foutriquets croisés naguère sur les bancs de ma Sup de Co) - a décidé que ya basta, devant le refus insistant du gouvernement de faire une réforme constitutionnelle vraiment complète, la réponse serait "non". On objectera: pourquoi la Gauche n'a t-elle pas mené les révisions qu'elle exigeait aujourd'hui avec tant d'insistance (mode de scrutin des sénatoriales, introduction de la proportionnelle à l'Assemblée, cumul des mandats, vote des étrangers) lorsqu'elle était aux manettes? Good point, comme disent les Anglo-saxons, mais la question n'est pas là: un travail sérieux sur le fonctionnement de la démocratie en France, une véritable rupture aurait exigé un concensus large, donc la prise en compte des propositions de l'opposition, au-delà de quelques amendements par-ci par-là. Au lieu de cela, on a entendu par exemple un Roger Karoutchi (Ministre des Relations avec le Parlement) expliquer vendredi dernier sur France Inter que la majorité c'est la majorité, que Nicolas Sarkozy applique son programme, et que bisque bisque rage: chassez le naturel, tagada, tagada. Passons sur l'élément le plus médiatique de cette réforme, à savoir que le Président de la République va désormais pouvoir s'exprimer devant le Congrès: c'est vrai que ça nous manquait, le coup du discours sur l'Etat de l'Union... Et le serment sur la Bible, so help me God, c'est pour quand?
Pas de concensus large, donc, mais une réforme votée à l'arraché, qui par exemple maintient le statu quo d'un Sénat délicieusement rural, donc structurellement de Droite. Pas de concensus large, mais la majorité requise plus une voix, une toute petite voix, comme pour souligner le dérisoire d'une réforme à trente centimes d'Euros (deux balles).
Pour la grandeur, l'Histoire, tout ça, désolé on n'a pas le temps, vite vite passons à autre chose.
Ciao, belli.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire