ultats de sondages selon lesquels des fractions significatives de l'opinion(dont l'importance varie selon les pays) sont convaincues que les attaques du 11 Septembre sont le résultat d'un complot du gouvernement américain.Enfonçons vigoureusement une porte ouverte: Internet est au phénomène multi-millénaire de la rumeur ce que l'avion à réaction est au voyage - un gain de temps. Le premier imbécile venu peut écrire ce qu'il veut sur un blog: pour peu que son propos ait un air de vraisemblance, il y a une probabilité non-négligeable qu'il se diffuse largement. Par exemple, je peux très bien faire ici-même un long article expliquant que François Bayrou se trouve vraiment à égale distance de la droite et de la gauche. Si mon papier est bien tourné, il se peut qu'il y ait des gens pour le croire et en parler autour d'eux: avec un peu de chance, le nombre de gens convaincus, contre toute évidence, que le centrisme existe, peut croître de façon exponentielle en quelques jours voire quelques heures. En d'autres temps, la croyance en la résurrection du Christ a mis plusieurs siècles à s'installer significativement dans les esprits: c'est ça, le progrès.
La vigueur de l'idée selon laquelle les attaques du 11 Septembre sont le résultat d'un complot de la CIA ou de je ne sais quoi m'amènent à faire deux remarques:
- Si on peut contester la notion de "pensée unique" dans bien des domaines (y compris économique où, somme toute et c'est tant mieux, le néo-libéralisme est loin de n'avoir que des défenseurs dans les "grands médias"), on ne peut nier que, du fait d'une forme d'uniformisation évoquée plus haut, la diffusion de l'information peut parfois prendre sous nos contrées l'apparence d'une "vérité officielle" qui viendrait masquer la vérité tout court: on en a déjà parlé ici, il y a quelque chose de moutonnier dans le spectacle médiatique. La répétition jusqu'à l'écoeurement de commentaires quasi-interchangeables sur des faits couverts simultanément par l'ensemble des médias engendre un phénomène de saturation: Jean-Noël Kapferer expliqua naguère que la rumeur était une "réaction de défense du corps social": nul doute que la simultanéité de l'émotion/du bruit médiatique autour des attaques du 11 Septembre, suivie de l'alignement de beaucoup de commentateurs sur la "ligne Colombani" (l'éditorialiste du "Monde" titrait "Nous sommes tous des Américains" le 12 Septembre 2001) a déclenché, de facto, un phénomène de rejet chez certains... et a créé des opportunités pour l'émergence d'une "pensée dissidente"
- Diffuser une "théorie du complot" n'est jamais innocent ni désintéressé: dans le cas du 11 Septembre, elle renvoie à une vision du monde où il est rigoureusement impossible que les autorités américaines puissent se laisser surprendre par quoi que ce soit. Sinon, c'est la preuve que la puissance américaine n'en est pas vraiment une, dès lors l'injonction de systématiquement "lutter" contre ses représentations économiques, culturelles, politiques voire militaires perd de sa pertinence: c'est tout un pan d'une "culture contestataire" - et la raison d'être de ses porte-parole - qui s'effondre. Ironiquement, on peut noter que cette impossibilité de penser une "impuissance américaine" est partagée par les pires faucons, néo-cons et vrais cons de l'administration Bush.
Si on m'avait dit qu'un jour Jean-Marie Bigard me ferait réfléchir...
Allez, salut.
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